Dans ce film bilingue, on suit naturellement des personnages qui parlent soit en français ou en anglais selon le contexte dans lequel ils se trouvent.
Le film est une inspiré de la pièce de Jocelyne Beaulieu J’ai beaucoup changé depuis, présentée au Théâtre d’Aujourd’hui en 1980 : «Après trois séjours en institut psychiatrique à la suite d’un avortement, F. s’y retrouve une fois de plus, subissant une grossesse nerveuse, obsédée par la maternité et faisant le bilan de ses rapports avec les autres. Deux écoles de pensée s’affrontent quant à la thérapie qu’il lui faut.»

La cinéaste Karolyne Natasha Pickett.
Karolyne Pickett a obtenu la permission de l’autrice pour adapter sa pièce en film, dans un contexte bilingue.
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Le quotidien bilingue des Franco-Ontariens
Jusqu’à l’an dernier, le projet de film s’intitulait Eaux Troubles/Broken Waters, mais en 2019, Netflix a donné le titre français Eaux Troubles au drame environnemental Dark Waters. Et «suite au montage, l’histoire prend de nouvelles couleurs, explique la productrice. Le titre anglais était toujours le bon “fit”, mais je voulais une nuance différente pour le titre français», d’où le nouveau titre de Brise Glace.
Tout au long du projet, Karolyne Pickett explique s’être nourrie de beaucoup d’expériences personnelles. Elle a été élevée dans un contexte bilingue à Ottawa, avec une mère francophone et un père anglophone, originaire de Vancouver, devenu francophile.
Cette réalité, dans laquelle on passe d’une langue à l’autre sans effort, est le quotidien de beaucoup de Franco-Ontariens qui pourront se reconnaitre dans l’œuvre.
Innover en santé mentale
Karolyne Pickett se souvient d’avoir discuté de son projet avec quelqu’un à la sortie d’une projection en 2005 et de l’avoir entendu répondre : «Ah, moi aussi je travaille à un film bilingue!»
C’était Kevin Tierney, le producteur de Bon Cop, Bad Cop, depuis décédé.
Sauf que Brise Glace/Broken Waters n’est pas une comédie qui joue sur les différences entre francophones et anglophones.
Le film raconte l’histoire d’une médecin qui veut sortir du «tout médicament» et proposer de la psychothérapie pour traiter les troubles mentaux, dans les années 80. Elle se heurte au scepticisme et au harcèlement de ses collègues masculins.

Tournage de Brise Glace / Broken Waters à l’Université Saint Paul, à Ottawa.
Le rôle principal est interprété par Valérie Descheneaux, bien connue pour la série L’Auberge du chien noir à Radio-Canada. Natalie Tannous, qui interprète une autre docteure, a joué dans le film Antigone, qui a représenté le Canada aux Oscars en 2019.
Karolyne Pickett explique vouloir rendre hommage aux femmes de cette époque où les congés maternité n’existaient pas encore et le machisme était très présent.
Elle souhaite aussi illustrer une approche novatrice et plus humaine de la médecine qui accepte que plusieurs maladies mentales ne se guérissent pas à coups de médicaments surdosés, mais se gèrent, notamment avec la psychothérapie, et comportent des rechutes possibles.
Tournage convivial
Le directeur photo du projet, Onno Weeda, qui a été opérateur sur la série Suits, se souvient que le tournage a eu lieu en février 2020, juste avant les confinements.

Onno Weeda (au centre), directeur photo de Brise Glace / Broken Waters.
À postériori, après avoir vu la pandémie bousculer tant de personnes, il se dit impressionné par l’approche fine du film sur la santé mentale, par son côté presque visionnaire.
Le directeur photo se souvient de l’atmosphère conviviale du tournage où le metteur en scène Pierre Gregory (que l’on connait aussi des Indisciplinés) passait sans cesse d’une langue à l’autre.
Onno Weeda était l’un des seuls qui ne parlaient pas français, mais cela ne l’a pas dérangé. Il affirme être habitué aux environnements multilingues, qu’il apprécie. Enfant de diplomates hollandais envoyés en Amérique latine, il parlait néerlandais à la maison, anglais avec ses sœurs parce que tous trois allaient à l’école américaine, et espagnol.
Il lui est arrivé de travailler sur des tournages en anglais, mais de parler espagnol avec un collègue plus à l’aise dans cette langue. D’après lui, les points communs aident à cimenter les relations.
Onno Weeda, qui habite à Toronto, s’étonne d’ailleurs de trouver les Ottaviens plus à l’aise d’afficher leur bilinguisme que les Torontois.
Si le film de Karolyne Pickett est visionnaire en matière de santé mentale, peut-être le sera-t-il aussi au niveau du bilinguisme à l’écran.