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le Lundi 11 juillet 2022 7:30 Francophonie

La pertinence des sondages dans la francophonie a-t-elle des limites?

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Affiche promotionnelle du sondage effectué par CFQO. — Photo : Courtoisie
Affiche promotionnelle du sondage effectué par CFQO.
Photo : Courtoisie
IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO (Alberta) – Selon Statistique Canada, la participation aux sondages est «la pierre angulaire du processus de prise de décision démocratique». À la lumière des chiffres divulgués par certaines associations, il parait difficile d’atteindre la population francophone. Entre méthodes de diffusion et différences culturelles, la voix des francophones semble clairsemée.
La pertinence des sondages dans la francophonie a-t-elle des limites?
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L’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) vient de terminer son plus important sondage de l’année. «En français, svp!» faisait partie de la troisième étape d’une longue série de consultations avec les leadeurs communautaires pour créer le plan d’action de la francophonie albertaine.

«On est dans une étape de validation auprès du public albertain d’expression française pour nous assurer que l’on identifie bien les bonnes priorités», explique Isabelle Laurin, directrice générale de l’organisme. D’autres organismes francophones utilisent les sondages afin d’obtenir une validation du public concernant les politiques à appliquer ou simplement pour mieux comprendre les attentes et les besoins du public francophone.

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Des sondages qui peinent à donner de la voix

La FPFA représente quinze garderies dans la province. «Les résultats [du sondage de satisfaction annuel] sont vraiment éparpillés», décrit l’agent de communication. «Il y a certains centres où il y a beaucoup de répondants.»

Une évaluation toujours optimiste, car lors de son dernier sondage, le taux de participation le plus élevé a été celui de la garderie CEPP Gabrielle-Roy avec 34 répondants sur 86 personnes. À peine 40 % des destinataires.

Malgré ce faible taux de participation, «on cherche toujours à avoir l’opinion des parents avant de prendre de grandes décisions politiques, car la FPFA, c’est la voix des parents francophones dans la province», rassure Patrick Dunn.

Un autre sondage, celui-là à l’intention des Albertains 2SLGBTQIA+ d’expression française, s’est déroulé entre octobre 2021 et février 2022. Cette longue enquête a été menée par le Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO) en partenariat avec le Réseau santé Alberta (RSA), le Centre de recherche communautaire, dont le siège social est en Colombie-Britannique et le Collectif LGBTQ* du Manitoba.

Rose-Eva Forgues-Jenkins

Photo : Courtoisie

Rose-Eva Forgues-Jenkins, responsable de la coordination de la programmation du CFQO, évoque une volonté d’en savoir plus sur la démographie de la communauté francophone 2SLGBTQIA+ en Alberta. Sous la recommandation d’autres organismes, le CFQO a décidé de laisser l’enquête ouverte pendant plusieurs mois afin que l’information «passe de bouche à oreille», explique-t-elle.  

Au total, le CFQO a reçu 53 réponses. Un chiffre qui pourrait paraitre dérisoire pour certains, mais qui est important pour d’autres. Pour la coordonnatrice, l’objectif de 80 n’a pas été atteint, mais malgré cela, «le CFQO a pu donner la place aux personnes de s’exprimer», dit-elle avec enthousiasme. 

Lors de l’analyse des données, elle a tout de même constaté une grande disparité dans la situation géographique des répondants. En effet, 75 % de ceux-ci venaient de grands centres urbains albertains et 25 % venaient de villes dont la population était de moins de 10 000 habitants. 

Des disparités géographiques, mais aussi ethniques. Les résultats démontrent que 83 % des répondants étaient des personnes d’origine blanche et 17 % provenaient de diverses origines ethniques. «On voulait faire ça de manière intersectionnelle pour comprendre tous les défis de la communauté, particulièrement ceux de certains groupes qui ont plus de défis que d’autres», explique-t-elle. 

Selon les résultats de ce sondage, «les personnes qui font face à un défi ont déjà la réponse pour le résoudre», assure Rose-Eva Forgues-Jenkins. Selon elle, ces résultats n’ont pas seulement conduit à une compréhension démographique des besoins de la communauté, mais aussi à des solutions directement issues de cette communauté. Malgré ces chiffres timides, elle indique que de nouveaux sondages seront diffusés dans les prochains mois.  

La représentation franco-albertaine via le Web

Isabelle Déchène Guay

Photo : Courtoisie

Isabelle Déchène Guay, agente de projets au Réseau santé Alberta (RSA), est sensible à la représentation réelle des réalités franco-albertaines dans un sondage en ligne. Elle est consciente qu’il existe de nombreux enjeux à faire participer certains groupes sociaux et culturels à ces enquêtes. Elle explique notamment que certains membres de la population immigrante «craignent peut-être de dévoiler leurs données en raison de leurs expériences personnelles passées».

Une insécurité qui peut rendre la participation aux sondages en ligne difficile pour les francophones qui arrivent de l’étranger. À eux seuls, ils représentent 24 % de la population francophone de l’Alberta.

L’accès à Internet n’est pas universel 

Isabelle Laurin

Photo : Courtoisie

«Les gens qui ont des défis avec l’Internet ont souvent l’habitude de nous appeler à la réception de l’ACFA», précise Isabelle Laurin. Elle ajoute que l’ACFA se sert «des forums communautaires, des tables de discussion, des groupes de travail» pour avoir une «interaction plus concrète» avec son public.

D’ailleurs, les évaluations et les discussions en ligne n’empêchent pas la tenue de conversations publiques. Isabelle Laurin confirme «qu’avec les forums qu’on peut faire en ligne, cela a beaucoup plus démocratisé ce mode de consultation». Les forums en ligne offrent l’occasion pour ceux et celles qui ne peuvent se déplacer en personne d’avoir une voix dans les décisions qui ont des répercussions sur leur communauté.

De son côté, Patrick Dunn croit en l’importance des forums en présentiel. «C’est quelque chose que la FPFA veut vraiment recommencer à faire parce que cela a bien marché d’avoir des sessions où les personnes ont pu partager leurs commentaires, leurs idées, leurs inquiétudes et leurs frustrations en personne».

Il est d’ailleurs conscient qu’aucune autre option n’est envisagée pour l’instant pour les personnes qui n’ont pas accès à Internet. «On n’a pas créé d’autres options pour eux.» Réaliste quant à ces lacunes, il ajoute que «ça serait peut-être important d’avoir des copies papier des sondages aux centres pour donner à ces familles [sans Internet]».

Et c’est exactement ce que le RSA a fait lors du Plaisir d’apprendre organisé en mai dernier par la Fédération des ainés franco-albertains. Une façon aussi de renouer le contact avec ces ainés souvent démunis par les nouvelles technologies.

«C’est sûr qu’avec des outils électroniques comme Survey Monkey, les données sont plus facilement recueillies, compilées et analysées, mais le bon vieux formulaire papier est encore utile pour rejoindre certaines clientèles ou pour profiter d’un public captif lors d’une activité», conclut Isabelle Déchène Guay.