Partout sur nos écrans s’étalent des corps musclés, fins, bronzés, lisses. Les jolies images de bonheur parfaitement retouchées à l’ordinateur se succèdent dans les magazines. Et que voici une nouvelle crème amincissante, un nouveau régime miracle, un nouvel entrainement sportif qui ciblera précisément l’objet de votre désarroi, qu’il s’agisse d’une cuisse un peu trop flasque, d’un ventre rondelet ou d’une épaule grassouillette.
Au fil des pages et des flux d’actualité, une pression constante nous amène à associer beauté et minceur. Insidieusement, la sveltesse en vient à s’imposer comme symbole de santé, de succès et de richesse.
Nous, les femmes, nous convainquons que nous ne pourrons être réellement heureuses que lorsque nous aurons perdu ces quelques livres «en trop», ces bourrelets, cette graisse abhorrée. Lorsque nous correspondrons enfin aux modèles valorisés.
Notre corps devient ce temple ultime du contrôle de soi, fidèle serviteur de l’idéal capitaliste. Il nous en faut tirer le meilleur profit, à grand renfort de produits couteux, de privations et d’énergie. Peu importe notre silhouette, il nous faut nous surveiller, nous entretenir, nous imposer une discipline stricte pour nous démarquer. De notre apparence dépend notre valeur.
Ce que la société fait aux femmes
À 12 ans, à l’instar de ma mère, je jonglais de main de maitre avec le système de points du célèbre régime Weight Watchers et je savais parfaitement quel aliment privilégier pour «garder la ligne».
Toute ma vie, ou presque, j’ai alterné les phases de résistance aux dictats de la beauté et les «reprises en main» musclées. Avec une même constante : je me suis toujours trouvée grosse, qu’importe le chiffre que me renvoyait la balance.
Le problème n’est donc pas ma corpulence. Le problème est cette société complètement tordue et ce qu’elle fait aux femmes. Des études montrent que le désir d’être plus mince apparait dès l’âge de 4 ans chez certaines fillettes. Un tiers des jeunes ayant un poids dit «normal» se disent insatisfait·es de leur apparence et auraient déjà essayé, parfois dès l’âge de huit ans, de suivre un régime.
L’insatisfaction corporelle ne s’arrête pas à l’adolescence, bien entendu. Un sondage révèle que plus de la moitié des Québécoises ayant un poids dit «normal» souhaitent perdre du poids, tandis qu’une sur six suit une diète. Des insécurités dont profite grandement l’industrie de l’amaigrissement, qui aurait généré plus de 8 milliards de dollars américains en 2019.
La minceur n’est pas un gage de santé
Dans son livre Anti-Régime, la nutritionniste américaine Christy Harrison définit la culture du régime comme un système de croyances associant des formes corporelles particulières, comme la minceur ou des muscles développés, à la santé et à la vertu morale.
Ce système, qui promeut la perte de poids comme moyen de rehausser son statut social, est particulièrement oppressif pour celles et ceux qui ne correspondent pas au modèle valorisé.
Pourtant, les études sont unanimes : les diètes ne fonctionnent pas et leurs effets secondaires indésirables sont importants. Parmi les personnes qui perdent du poids lors d’un régime, 90 % le reprennent dans les cinq années suivantes.
Et la minceur n’est pas un gage de santé. Une personne dite grosse peut être en excellente santé, tout comme une personne dite mince peut ne pas l’être. Le manque d’activité physique, par exemple, contribuerait deux fois plus que l’obésité à augmenter le risque de mort prématurée.
Il est donc plus que temps d’apprendre à nous aimer et de faire taire la petite voix dans nos têtes qui nous suggère de renoncer au dessert. Pas besoin d’avoir un corps parfait pour se promener en bikini sur la plage cet été. Pas besoin d’une nouvelle crème à 100 $ pour être heureuses. Et surtout, pas besoin de l’avis des autres pour nous sentir belles!
Julie Gillet est directrice du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick. Ses chroniques dans Francopresse reflètent son opinion personnelle et non celle de son employeur.