le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 18 avril 2025 6:30 Politique

Débat des chefs en anglais : la francophonie sous le tapis face aux États-Unis

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Le débat des chefs en anglais a rassemblé quelques thèmes, dont la sécurité, l’environnement et le cout de la vie. Ont été exclus ceux des arts, de la culture et des langues.  — Photo : Christopher Katsarov, POOL
Le débat des chefs en anglais a rassemblé quelques thèmes, dont la sécurité, l’environnement et le cout de la vie. Ont été exclus ceux des arts, de la culture et des langues.
Photo : Christopher Katsarov, POOL
FRANCOPRESSE – Trois chefs sur quatre ont débattu dans leur langue maternelle, l’anglais, jeudi soir à Montréal. Les langues se sont déliées sur la sécurité et la réponse aux tarifs des États-Unis, mais la francophonie canadienne n’a même pas été évoquée.
Débat des chefs en anglais : la francophonie sous le tapis face aux États-Unis
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Lors du débat en anglais, aucun des chefs n’a fait mention de la francophonie. Les discours se sont plutôt concentrés sur deux grands enjeux : la sécurité, notamment à la frontière avec les États-Unis et les mesures de protection contre les diverses conséquences des tarifs imposés au Canada par l’administration Trump.

Mark Carney souhaite ralentir le taux de croissance des dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, une mesure qui pourrait toucher des programmes liés aux langues officielles. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

En lien avec ces deux sujets, c’est Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) qui a évoqué la crise des opioïdes, qui n’avait pas été soulevée lors du débat en français.

Le chef néodémocrate a aussi reproché à Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada) de vouloir «réduire les services de l’État».

Ces derniers s’en sont défendus, mais Mark Carney a tout de même déclaré qu’il entendait «réduire le taux de croissance des dépenses de fonctionnement [de l’État…], qui est de 9 % par année, à 2 %». Il a cependant assuré ne pas vouloir «toucher aux transferts» aux provinces, notamment en santé.

Cote de sécurité 

Sur la forme, Mark Carney a principalement dû répliquer aux tirs groupés contre lui de Jagmeet Singh et Pierre Poilievre. Il a tout de même attaqué ce dernier en lui demandant pourquoi il n’avait pas obtenu de cote de sécurité.

Pierre Poilievre s’est défendu en affirmant qu’il n’aurait «pas pu parler librement», sous peine d’être poursuivi, s’il avait obtenu cette cote de sécurité.

La carte québécoise pour collaborer, sans régner

Seul francophone du débat, Yves-François Blanchet (Bloc québécois) n’a pourtant pas choisi de jouer cette carte pour se différencier.

Yves-François Blanchet a accusé Mark Carney d’empiéter sur les champs de compétence du Québec dans le cadre de certaines de ses propositions, notamment en matière de santé et de garde d’enfants. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

Sans même mentionner la force linguistique du français au Québec comme il s’était gardé de le faire au débat en français la veille, Yves-François Blanchet a encore moins accordé de mots pour la francophonie en situation minoritaire.

«Je ne veux pas être premier ministre du Canada, je veux être un partenaire du premier ministre», a-t-il plutôt affirmé.

Le chef du Bloc québécois a martelé, encore plus qu’au débat de la veille, que le fédéral devait cesser de s’ingérer dans les affaires du Québec, notamment en matière d’énergie et de transferts pour les soins en santé.

Il a aussi reproché au premier ministre de ne pas l’avoir «appelé» ni lui avoir «adressé la parole avant-hier».

«Vous êtes légitime, mais plus représentatif avec notre aide que seul dans votre petit royaume. Une semaine après les élections, quel que soit le résultat, je propose qu’on se réunisse pour faire face à la crise ensemble», a proposé le chef bloquiste.

Pierre Poilievre a défendu son projet d’utiliser la clause dérogatoire dans le cadre de son plan pour lutter contre le crime. 

Photo : Christopher Katsarov, POOL

Crise économique et riposte aux États-Unis

Sur la crise économique, Pierre Poilievre a demandé à Mark Carney de s’excuser en direct auprès de la population canadienne pour les «politiques inflationnistes» qu’il aurait conseillées à Justin Trudeau dans son rôle de conseiller auprès de l’ancien premier ministre.

À ce sujet, le chef libéral a répondu à son adversaire conservateur : «Je sais que vous aimeriez vous présenter [aux élections] contre Justin Trudeau, mais Justin Trudeau n’est plus là. Ce ne sont pas les conseils que j’ai donnés.»

Les quatre chefs ont ensuite chacun dit ce qu’ils pensaient être la plus grande menace du Canada. Pour Pierre Poilievre, il s’agit des crimes commis avec des armes à feu; Mark Carney a évoqué la sécurité; Jagmeet Singh, les armes illégales et les drogues à la frontière; et Yves-François Blanchet, la dépendance québécoise et canadienne vis-à-vis des Américains.

Jagmeet Singh a tenté de mettre en valeur les mesures prises sous le gouvernement libéral de Justin Trudeau liées à l’entente avec le NPD, telles que le programme national des soins dentaires. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

L’avenir climatique, une priorité abordée différemment

Les solutions indirectes pour répondre aux contremesures tarifaires des États-Unis ont fait partie des solutions avancées à la crise climatique, avec le plan de Pierre Poilievre de construire un pipeline d’est en ouest pour détourner le transport du pétrole et du gaz des États-Unis et d’exporter le gaz en Europe pour qu’elle ne soit plus dépendante de la Russie.

Le thème de la crise climatique a également été l’occasion pour Pierre Poilievre d’assurer à la population que la lutte au changement climatique faisait bien partie des priorités de son parti.

Les chefs des autres partis ont mis en doute cette affirmation puisque, selon eux, la lutte conservatrice pour le climat se traduira par la construction de pipelines nationaux.

Ces derniers éviteraient que la production d’énergie canadienne soit «poussée» vers des pays qui «empirent» la situation climatique en émettant des gaz à effet de serre, comme l’Inde, a cité Poilievre, en exemple.

Mark Carney, en faveur du pétrole lui aussi, a toutefois nuancé en affirmant cibler des projets et en favorisant la participation des Autochtones.

Sans vouloir que le Québec paie pour les pipelines, Yves-François Blanchet s’est montré favorable à l’exploitation de minerai québécois, et Jagmeet Singh à celle de minerai canadien.

Les journalistes ont attendu les explications du directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, au sujet de l’annulation des points de presse qui devaient suivre le débat. Le directeur général n’a répondu à aucune question. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Pour la première fois, la conférence de presse qui devait se dérouler après le débat en anglais a été annulée.

La cause exacte n’est pas claire, mais le directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, a expliqué devant les journalistes présents qu’il n’était pas en mesure «d’assurer un environnement propice».

Des disputes entre des représentants de Rebel News et des journalistes d’autres médias ont éclaté dans la salle de presse avant et après le débat.

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Ottawa

Inès Lombardo

Correspondante parlementaire

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