le Vendredi 23 mai 2025
le Dimanche 30 mars 2025 6:30 Politique

Allocation pour enfants aux résidents temporaires : les ratés de l’Agence du revenu

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Les versements de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) à des familles de résidents temporaires ont été interrompus après expiration de leur statut dans le système de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Cela, alors même qu’ils avaient prolongé leur visa et bénéficiaient d’un statut leur permettant de continuer à travailler et à recevoir l’ACE.  — Photo : Eleanor Gwen Stewart – Pexels
Les versements de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) à des familles de résidents temporaires ont été interrompus après expiration de leur statut dans le système de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Cela, alors même qu’ils avaient prolongé leur visa et bénéficiaient d’un statut leur permettant de continuer à travailler et à recevoir l’ACE.
Photo : Eleanor Gwen Stewart – Pexels
FRANCOPRESSE – L’Agence du revenu du Canada a interrompu des versements de l’Allocation canadienne pour enfants à des résidents temporaires qui y avaient droit. Pour éviter de plonger des familles dans la précarité, l’Agence doit revoir sa communication, estime un rapport de l’ombudsman des contribuables.
Allocation pour enfants aux résidents temporaires : les ratés de l’Agence du revenu
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Les paiements ont été interrompus après l’expiration du statut de résident temporaire dans le système de l’Agence du revenu du Canada (ARC), même si la personne peut encore être admissible à l’Allocation canadienne pour enfants (ACE).

L’ombudsman des contribuables, François Boileau, dévoile cette situation dans son rapport Tout est une question de planification, publié le 18 mars. Il dresse une liste de 11 recommandations destinées à l’ARC.

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Allocation canadienne pour enfants

Le rapport rappelle que l’ACE est un versement mensuel non imposable fait aux familles admissibles pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans. Un versement de l’ACE peut comprendre des montants de la prestation pour enfants handicapés et de programmes provinciaux ou territoriaux connexes.

Informer mieux pour éviter la précarité

À partir d’une plainte, François Boileau a jugé bon de fournir 11 recommandations, un record.

Pratiquement toutes portent sur l’amélioration des communications de l’ARC envers les résidents temporaires, pour les aviser de leur situation et de documents dont l’Agence aurait besoin.

Une mesure centrale, selon François Boileau, car les résidents temporaires, nouveaux au Canada pour la plupart, ne connaissent pas toujours le fonctionnement des institutions fédérales comme l’ARC, ni ce à quoi ils peuvent prétendre ou quand ils sont lésés dans leurs droits.

Dans cette perspective, la première recommandation du rapport enjoint l’ARC de «trouver un moyen efficace de rappeler aux contribuables dont le statut d’immigration au dossier de l’Agence est sur le point d’expirer, qu’ils doivent fournir une preuve de toute mise à jour de leur statut juridique afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’interruption des prestations».

Ce sont des personnes qui sont vulnérables. Ce ne sont pas des comptables, ce ne sont pas des professionnels. Ce sont des individus qui se trouvent dans des situations pas faciles.

— François Boileau, en entrevue avec Francopresse

Le bât blesse aussi dans le délai de traitement. Il faut 14 semaines, soit près de 4 mois, pour que le dossier soit traité et qu’un premier chèque soit versé. Lorsqu’il y a une interruption soudaine des paiements alors que le résident permanent y a droit, ce délai coute cher aux familles.

Les résidents temporaires doivent démontrer qu’ils sont présents sur le territoire canadien depuis au moins 18 mois et justifier un certain revenu pour prétendre à l’ACE.

La plainte évoquée dans le rapport vient d’une mère monoparentale qui avait deux enfants à charge au moment de l’interruption du versement de l’ACE.

«L’agence [a] une approche qui est évidemment bureaucratique. Et donc, moins [une approche] par rapport à l’importance pour la personne qui reçoit l’allocation pour enfants», affirme François Boileau.

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François Boileau affirme vouloir donner une «voix à ceux qui n’en ont pas». 

Photo : Courtoisie Bureau de l’ombudsman des contribuables

Pauvreté des résidents temporaires accrue

Dans un sondage publié en juin 2024, Statistique Canada rapporte qu’en avril 2024, «une proportion plus importante d’immigrants récents (43 %) ont déclaré qu’il avait été difficile ou très difficile de répondre à leurs besoins financiers au cours des 12 mois précédents, comparativement aux immigrants plus établis (29 %) et aux non-immigrants (29 %)».

De même, les résidents non permanents étaient plus susceptibles de déclarer qu’il avait été difficile ou très difficile de joindre les deux bouts (37 %) que les non-immigrants.

Selon l’ombudsman, l’ARC a une double responsabilité : collecter les taxes et «l’autre base, qui est tout aussi importante, c’est d’octroyer des prestations à des populations qui ont le droit de recevoir ces prestations-là».

Il y a des milliards de dollars qui dorment dans les coffres du fédéral parce qu’on ne réussit pas à retrouver ces personnes-là année après année.

— François Boileau

Vers une meilleure collaboration avec IRCC?

Une autre recommandation du Bureau de l’ombudsman des contribuables oriente l’ARC vers une meilleure collaboration avec le ministère fédéral d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

François Boileau rappelle que lorsqu’un résident temporaire reçoit l’ACE, il y a une date de fin du versement, qui peut être prolongée seulement si IRCC approuve la demande.

«L’Agence du revenu, elle, ne peut pas le savoir. Il manque de communication entre les deux», relève-t-il.

Silence de l’ARC sur le nombre de familles touchées

Lorsque son Bureau a reçu la plainte précitée, l’ombudsman a demandé à l’ARC si l’interruption des versements de l’ACE touchait d’autres personnes.

L’ombudsman a reçu une réponse positive, mais sans obtenir de chiffre précis. «On a posé d’autres questions supplémentaires à l’Agence et, effectivement, on s’est rendu compte qu’il y avait peut-être beaucoup de personnes qui se sont retrouvées dans la même situation», résume François Boileau.

L’ARC n’a pas répondu à Francopresse sur le nombre de familles de résidents temporaires potentiellement touchées.

Refus de l’ARC d’améliorer les mises à jour

L’ARC a répondu qu’elle mettait en œuvre «en totalité ou en partie», sept des onze recommandations (1 à 5, et 8 et 11) afin d’améliorer ses communications avec les prestataires.

L’agence fédérale a toutefois rejeté une recommandation (la 6e), qui suggère que l’ARC contacte directement les immigrants temporaires éligibles à l’allocation.

Elle refuse aussi d’améliorer le traitement des mises à jour du statut d’immigration pour les immigrants temporaires qui reçoivent l’ACE. Il s’agit du cas où ces derniers ont prolongé leur statut, mais n’ont pas encore reçu leur nouveau visa.

L’ARC ne leur expliquera pas non plus pourquoi ils ne recevront pas de paiements pour la période d’écart ni ne leur fournira de contact en cas de maintien de leur statut. Elle justifie ces rejets ainsi : «[…] il faudrait [faire] des suppositions avec des renseignements incomplets».

Parce qu’elle ne peut s’engager à investir plus de ressources «à l’heure actuelle», l’Agence n’a pas non plus accepté la recommandation 7, qui demande qu’elle permette aux contribuables de suivre leur allocation via l’outil de suivi des progrès dont elle dispose.

L’Agence n’examinera pas non plus la période pendant laquelle elle considère que quelqu’un est un nouvel arrivant, ce qui aiderait pourtant au traitement des dossiers et éviterait la précarité de l’attente de l’allocation à laquelle ils ont droit, s’ils sont éligibles.

Selon l’Agence, cette suggestion ne «s’harmonise pas avec le contenu de la Loi de l’impôt sur le revenu».

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Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Inès Lombardo

Correspondante parlementaire

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