
Brenda Murphy, lieutenante-gouverneure générale du Nouveau-Brunswick, est unilingue anglophone dans la seule province officiellement bilingue du Canada.
«En tant qu’Acadien et francophone, je suis très déçu de la décision de mon gouvernement de porter cette cause en appel. J’ai un problème avec ça, et je sais que ça en agace beaucoup d’autres dans ma circonscription.»
Le député d’Acadie — Bathurst, Serge Cormier, n’est pas tendre envers son gouvernement. Il digère en effet mal que celui-ci porte en appel la récente décision de la juge en chef de la Cour du Banc de la Reine, Tracey DeWare. La juge, rappelons-le, avait récemment déclaré inconstitutionnel le processus de nomination de la lieutenante-gouverneure, Brenda Murphy, en raison de la particularité bilingue de la province.
Bien que déçu, le député concède que certains points puissent agacer les avocats constitutionnalistes. N’empêche, il souhaite que le processus de sélection soit revu. Du coup, s’il donne crédit au premier ministre Justin Trudeau de s’être engagé à nommer plus de représentants des différentes minorités à ce poste (femme, autochtone, communauté LGBTQ+, etc.), le député soutient que la langue doit aussi être respectée.
Serge Cormier estime que la capacité des candidats à s’exprimer dans les deux langues officielles se doit d’être le tout premier critère, lorsque vient le temps de faire ce type de nomination au Nouveau-Brunswick.
«Si notre gouvernement avait nommé une personne bilingue à ce poste dès le départ, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui. Le statut particulier de notre province — qui est la seule officiellement bilingue au Canada — devrait être connu et compris quand on fait ces nominations. Dans le cas contraire, on passe à une autre personne», assure-t-il.
«Il faut trouver une façon d’enchâsser cela dans une loi, même si ça s’avère difficile, et je vais travailler au sein de mon propre gouvernement afin que ça se produise», indique le député, qui trouve dépassé le principe d’alternance (anglophone-francophone) en vigueur dans la province.
Serge Cormier souligne par ailleurs que sa sortie ne se veut en rien un désaveu envers l’actuelle lieutenante-gouverneure.
«J’ai marché avec [Brenda] Murphy l’an dernier lors du tintamarre. Elle est dévouée à la communauté, sympathique envers la cause acadienne et francophone. Cela dit, je crois qu’on est rendu au stade où l’on doit porter une attention toute particulière à la langue», suggère-t-il.
Jugement exemplaire

À l’autre extrémité du Nord de la province, le député de Madawaska — Restigouche, René Arseneault, se reconnait dans les propos de son confrère.
À l’autre extrémité du nord de la province, le député de Madawaska — Restigouche, René Arseneault, se reconnait dans les propos de son confrère.
À la suite de la nomination de Brenda Murphy au poste de lieutenante-gouverneure en 2019, lui non plus n’avait pas été tendre à l’endroit de la décision de son gouvernement. Il avait alors qualifié cette nomination d’embarrassante, de faux pas, et de déception pour la communauté acadienne et francophone.
Trois ans plus tard, le député restigouchois n’a pas changé d’opinion sur le sujet. En fait, elle cadre parfaitement aujourd’hui avec la décision de son gouvernement de porter en appel la décision de la juge DeWare, une décision avec laquelle il s’avoue en totale harmonie.
«Ça rejoint ce que je dis depuis longtemps. Les droits linguistiques doivent faire partie des compétences de ce type de poste, particulièrement au Nouveau-Brunswick. C’est exactement ce que nous dit — dans un jargon juridique exemplaire — la décision de Mme DeWare», soutient le député.
Celui-ci estime que cette décision a été articulée de façon judicieuse et suffisamment prudente de sorte à en limiter la portée à la seule province du Nouveau-Brunswick. Du coup, le député estime que sa contestation est inutile.
«Je comprends, jusqu’à un certain point, qu’on veuille s’assurer de certains éléments juridiques. Mais pour moi, la décision demeure suffisamment claire et propre à la province, et je ne vois pas l’intérêt d’en appeler. Maintenant, je parierais que cela va se rendre jusqu’en Cour suprême», croit-il.
Bien qu’il ait reçu des garanties comme quoi les prochaines nominations au poste de lieutenant-gouverneur seront bilingues, René Arseneault souhaite — tout comme son confrère d’Acadie-Bathurst — que cette notion soit inscrite dans une loi.
«C’est un débat qui doit se faire. Le choix est un privilège du premier ministre, et on ne sait pas qui sera en poste dans le futur, ni si cette personne voudra respecter un tel engagement», dit-il.