
Philippe J. Fournier, créateur de Qc125 Ontario, est professeur de physique et d’astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal.
Depuis 2017, le professeur de physique et d’astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal Philippe J. Fournier tient un site Web portant sur la politique, les sondages et les projections électorales.
Dans sa méthodologie, il soutient avoir déterminé correctement environ 90 % des gagnants de quatre élections précédentes : Ontario (2018), Québec (2018), Alberta (2019) et Canada (2019).
Philippe J. Fournier a maintenant créé un site Web consacré exclusivement aux projections et sondages pour les élections ontariennes du 2 juin.
En date du 16 mai, il y projette que les progressistes-conservateurs ont 98 % des chances de l’emporter et 79 % des chances d’avoir à nouveau la majorité, soit au moins 63 sièges sur 124.
«C’est un modèle qui considère les sondages et aussi les données démographiques de chaque circonscription. Donc ça donne un estimé. Ce n’est pas parfait, ce n’est pas fait pour être parfait, mais ça donne quand même un bon portrait généralement de l’état de la course», explique le professeur.
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«Un rescapé de la pandémie»
«Le scénario le plus probable, c’est absolument une victoire majoritaire de Doug Ford et du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario», résume Philippe J. Fournier.
L’un des plus récents sondages, publié le 11 mai par la maison Abacus Data, place le Parti libéral en seconde position des intentions de vote (29 %), devant le Nouveau Parti démocratique (NPD) (22 %) et le Parti vert (5 %).
Pour le professeur de physique et d’astronomie, Doug Ford est indubitablement «un rescapé de la pandémie». Son taux d’approbation est passé de 20 % à 46 % de février à mai 2020.
En mai 2022, environ 38 % de la population ontarienne avait une impression positive du chef progressiste-conservateur et la même proportion en avait une impression négative. «Pour un système comme le nôtre, avec trois partis principaux, s’il y a 50 % des électeurs qui ne sont pas contents et 50 % qui le sont, c’est suffisant pour l’emporter», note Philippe J. Fournier.
Ce constat est d’autant plus vrai que le vote de ceux qui sont «contre Doug Ford» est divisé entre les autres partis, note l’expert. «Un parti politique qui s’appellerait “Nous ne sommes pas Doug Ford” aurait des chances de gagner», lance-t-il en riant.
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Des chefs qui peinent à tirer leur épingle du jeu
Le premier ministre sortant profite aussi d’une image plus forte que les autres chefs de partis, révèle encore le sondage d’Abacus : «Lorsque nous demandons aux répondants quel leadeur est le plus susceptible de posséder une série de traits ou de caractéristiques de leadeurship, Doug Ford arrive devant tous les autres. Plus de gens le considèrent comme étant déterminé, compétent, doté de la meilleure vision et le plus disposé à admettre ses erreurs. Il est également perçu comme étant le plus honnête.» [trad.]

Geneviève Tellier, professeure titulaire d’études politiques à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa.
La politologue Geneviève Tellier de l’Université d’Ottawa note que les Ontariens semblent «prêts à donner une deuxième chance à M. Ford, en ce sens que la pandémie est venue tout chambouler ses plans. Les gens doivent se dire qu’un seul mandat de quatre ans n’est pas suffisant pour [vouloir] du changement».
À l’instar de Philippe J. Fournier, elle constate que Doug Ford «s’est révélé avec la pandémie».
L’experte note aussi que les autres chefs de partis n’arrivent pas forcément à soulever les passions.
«[La chef néodémocrate] Andrea Horwath a réussi à faire reculer le gouvernement Ford sur certains dossiers […]. Par contre, je regarde leur plateforme de cette élection-ci et je trouve qu’elle est pas mal pareille à celle de l’élection précédente», note Geneviève Tellier, qui estime que ce manque de nouveauté ou de surprise peut nuire au NPD de l’Ontario.
«Ils sont peut-être encore trop à gauche pour l’Ontario», ajoute-t-elle.
Quant à Steven Del Duca, arrivé à la direction du Parti libéral pendant la pandémie, Geneviève Tellier trouve qu’il «n’est pas charismatique, et on voit que ça nuit au parti. [Les libéraux] ont des propositions intéressantes dans leur plateforme, mais si le chef n’est pas capable de créer un enthousiasme, ça ne lèvera pas».
Le fait que le Parti libéral de l’Ontario se place en deuxième position dans les sondages indique à Geneviève Tellier que «la marque de commerce libérale est importante, c’est une institution qui existe depuis longtemps et que les gens continuent à appuyer».
Quant au Parti vert, «ça se dessine à un seul député et on dirait que le mouvement vert ne va pas bien en ce moment au Canada», souligne la politologue en faisant référence aux dernières élections fédérales.
«[L’environnement] est important, mais il y a d’autres préoccupations, comme l’économie, et tant que les verts ne pourront pas combiner les deux avec des propositions qui séduisent, ça va être difficile», ajoute-t-elle.
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Les chefs des quatre principaux partis politiques en Ontario : Doug Ford (Parti progressiste-conservateur), Andrea Horwath (Nouveau Parti démocratique), Steven Del Duca (Parti libéral) et Mike Schreiner (Parti vert).
Des tendances prévisibles
Philippe J. Fournier rappelle que de 2003 à 2018, les libéraux ont gagné quatre élections de suite et ont formé le gouvernement pendant 15 ans en Ontario. «Ça pèse sur n’importe quel parti d’être au pouvoir aussi longtemps», note-t-il.
D’ailleurs, le parti «s’est effondré» aux dernières élections comme jamais avant d’après le professeur, alors qu’ils n’ont obtenu que sept sièges. «Présentement, pour M. Del Duca, une façon réaliste ça ne serait pas de viser la victoire, mais juste de se remettre sur les voies de la respectabilité puis viser 2026», estime-t-il.
«Si on se fie aux tendances du dernier siècle — rien de moins! —, les conservateurs vont rester au pouvoir jusqu’à ce qu’ils deviennent un peu trop arrogants, trop usés, que les électeurs se tannent», prédit l’expert, ajoutant que les gouvernements font rarement moins de deux ou trois mandats.
Quant aux néodémocrates, il ne croit pas qu’ils seront en mesure de répéter leur exploit d’obtenir 40 sièges à l’Assemblée législative de l’Ontario comme en 2018. «Ça semble vraiment être leur plafond. […] La marque du NPD n’est pas aussi populaire que la marque libérale, et souvent ces deux partis-là se battent pour les mêmes électeurs.»
Une remontée des libéraux se fera forcément au détriment du NPD d’après Philippe J. Fournier.
Si le Parti libéral parvient cette fois-ci à former l’opposition, Geneviève Tellier craint que la courbe d’apprentissage de ses députés sera abrupte : «M. Del Duca est allé recruter énormément de personnes qu’on ne connait pas, des gens qui ont peu d’expérience en politique. [S’ils forment la prochaine opposition officielle], je vous dirais que pendant quelque temps on ne les verrait pas beaucoup parce qu’il faudrait que tout ce monde-là apprenne à être dans l’opposition.»