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le Dimanche 8 mai 2022 13:00 Société

L’autisme, un trouble complexe et encore mal compris

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  Photo : Sandy Millar – Unsplash
Photo : Sandy Millar – Unsplash
ACADIE NOUVELLE (Nouveau-Brunswick) – Même s’il y a de plus en plus de cas diagnostiqués au Canada, le spectre de l’autisme est encore mal compris dans la société.
L’autisme, un trouble complexe et encore mal compris
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Cet article est une version raccourcie. Pour consulter l’article complet, rendez-vous sur le site de l’Acadie Nouvelle.

Selon l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019, publiée par l’Agence de santé publique du Canada, un enfant (de 1 à 17 ans) sur 50 avait reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme au Canada.

Un an auparavant, des données faisaient état d’un enfant (de 5 à 17 ans) sur 66. Cette dernière étude se fondait toutefois sur les résultats obtenus dans seulement six provinces et un territoire, à savoir Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec, la Colombie-Britannique et le Yukon.

Au Nouveau-Brunswick, le système scolaire — qui ne comprend que les enfants de la maternelle (5 ans) à la 12e année — compte environ une personne autiste sur 40, selon les plus récentes statistiques. Au niveau préscolaire, la prévalence s’établit à un enfant sur 48.

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Plus de données, plus de services

Julie Michaud, directrice par intérim du Partenariat d’apprentissage en autisme.

Photo : Site Web PAA

Selon Julie Michaud, directrice par intérim du Partenariat d’apprentissage en autisme (PAA) du ministère néobrunswickois de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, le taux de prévalence s’est accentué au cours des dernières années, à l’instar de ce qui se passe un peu partout dans le monde.

«Ça peut s’expliquer par plusieurs raisons. C’est certain que les gens sont plus au courant de ce que c’est […]. Il y a beaucoup de sensibilisation qui a été faite.»

«Maintenant, au Canada, on a accès à un peu plus de données et au Nouveau-Brunswick, à l’aide de nos outils, on est capable d’avoir un portrait un peu plus spécifique», ajoute la directrice intérimaire.

Comme le spectre de l’autisme renferme un éventail de différents comportements, les services offerts dans les écoles varient grandement selon les besoins de chaque enfant.

«On a des enfants qui ne pourront pas nous parler pour nous dire ce dont ils ont besoin. On va aussi en avoir, à l’autre bout du spectre, qui auront très peu besoin de soutien […] Il y a différents niveaux», explique Julie Michaud.

Le PAA offre une formation aux directions d’école et aux enseignants, mais aussi à d’autres membres du milieu scolaire comme les chauffeurs d’autobus ou le personnel des cafétérias.

Photo : Denise McQuillen – Pixabay

Afin de composer avec cette panoplie de petits défis, le PAA offre une formation aux directions d’école et aux enseignants, mais aussi à d’autres membres du milieu scolaire comme les chauffeurs d’autobus ou le personnel des cafétérias.

Depuis 2015, 5287 membres du personnel éducatif des secteurs francophone et anglophone du Nouveau-Brunswick ont suivi la formation, tout comme plus de 2800 personnes des autres provinces de l’Atlantique.

«La formation est pour s’assurer d’avoir une compréhension commune de ce que c’est l’autisme et quel genre d’interventions fonctionnent le mieux avec ces élèves-là», ajoute Julie Michaud.

Les services communautaires

Le Centre d’excellence en autisme de la Péninsule acadienne (CEAPA) offre également des services en fonction des besoins de la population.

Liette Lanteigne est directrice du CEAPA.

Photo : Page Facebook Liette Lanteigne

«On fait des activités familiales qui créent des liens entre les familles et les jeunes. Il y a beaucoup de familles qui ne voulaient pas sortir en raison du regard des autres. Alors, on travaille là-dessus. J’ai des familles qui ne sortaient pas du tout et, là, elles vont partout», explique la directrice du CEAPA, Liette Lanteigne.

Elle ajoute qu’un des objectifs du CEAPA est de permettre aux personnes autistes d’accepter leurs différences et de montrer à la société qu’elles ont plus de ressemblances que ce qui n’y parait avec les personnes neurotypiques.

«On aide [la société] à intégrer les personnes autistes, mais on les aide elles aussi à s’intégrer, à comprendre les deux côtés de la médaille», fait valoir Liette Lanteigne.

Liette Lanteigne explique que «la crise d’anxiété est un exemple qui revient souvent. Pour les gens autour, on le voit comme une crise émotionnelle, mais il faut plutôt le voir comme une forme de protection du cerveau contre un trop-plein».

Selon elle, il faut être passionné pour œuvrer dans un tel secteur puisque les ressources, particulièrement financières, ne sont pas abondantes.

Le CEAPA offre des activités familiales qui créent des liens entre les familles et les jeunes.

Photo : Page Facebook CEAPA

Audrey Long et son célèbre fils Tommy, vedette du livre sur l’autisme intitulé Tommy Tempête.

Photo : Courtoisie

Audrey Long est la mère d’un garçon de 10 ans qui est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme. Il est considéré comme non verbal, puisqu’il a un vocabulaire limité.

Pour elle, le quotidien d’un parent avec un enfant autiste est parsemé de petits bonheurs, mais aussi de défis qui peuvent être différents des autres parents.

«Il parle un peu plus que lorsqu’il était à la maternelle, explique-t-elle, mais ça reste assez limité. Nous sommes allés à l’urgence récemment. Ç’a été vraiment difficile, car les médecins ne comprennent pas que l’enfant ne parle pas. On a dû répéter qu’il était non verbal et qu’il ne pouvait pas expliquer sa douleur. Les médecins lui posaient des questions en attendant une réponse, mais il n’allait visiblement pas leur répondre.»

Audrey Long a lancé, en octobre 2021, le livre Tommy Tempête, qui traite du spectre de l’autisme. «Ç’a été écrit ça fait presque sept ans, mais ç’a été un long processus avant que ce soit publié.»

Tommy allait commencer la maternelle à l’époque et il n’y avait pas vraiment de livre pour discuter de ça avec les autres élèves en milieu scolaire. Les enfants et les enseignants ne savaient pas nécessairement comment aborder le sujet alors c’est dans cette optique que j’ai écrit Tommy Tempête.

— Audrey Long, autrice

Originaire de Cap-Rouge au Québec, Audrey Long habite dans la région de Fredericton au Nouveau-Brunswick depuis maintenant plus de 10 ans.

Ardente défenseure de l’inclusion, l’autrice a ressenti le besoin de mener cette démarche pour faciliter l’inclusion des enfants dans leur environnement scolaire : «Il y a un gros intérêt, car il n’y a pas beaucoup de livres pour enfants qui parlent d’autisme. Il y a plus de choses en anglais qu’en français, alors, trouver des ressources dans notre langue, c’est difficile.»

Cependant, des outils comme les réseaux sociaux aident à mieux diffuser le message, selon la mère de famille.

«Ça va paraitre étrange, mais je suis impressionnée par ce que l’on voit sur Tik Tok. Il y a beaucoup de personnes autistes là-dessus qui parlent de leur état ouvertement et qui partagent leurs différentes situations.»

Tommy est lui-même devenu une sorte de vedette dans son entourage, notamment en raison du livre publié par sa mère.

«Il est convaincu d’être une star, raconte-t-elle en riant. Il a fallu mettre un frein au fait qu’il signait son nom dans les livres. Il signait son nom partout. Il sait qu’il est spécial, mais il a le don de rendre les personnes autour spéciales aussi!»

Un parent dont l’enfant reçoit un diagnostic d’autisme nage la plupart du temps dans l’inconnu.

Photo : Caleb Woods – Unsplash

S’adapter au regard des autres

L’adaptation au regard des autres en société a été un travail qui a pris quelques années, avoue Audrey Long. Elle se souvient d’avoir vécu des moments difficiles lorsqu’elle se promenait avec son enfant dans des endroits publics.

«Je dirais que de l’âge de deux ans à sept ans, on a eu beaucoup de crises dans les magasins. Je n’ai pas assez de doigts sur les mains pour compter le nombre de fois où j’ai dû le retenir dans un centre d’achats parce qu’il voulait un jouet, ou peu importe.»

«Il y a évidemment les gens qui te regardent pendant que tu gères la crise. Les gens n’osent pas ou ne savent pas comment t’aider. Tu sens le jugement. Les premières années ont été difficiles», se souvient-elle.

Aujourd’hui, elle se soucie un peu moins des crises de son fils et du regard des autres. Elle reconnait toutefois que ce n’est pas le cas pour tous les parents qui sont dans une situation similaire.

On a facilement tendance à dire que l’enfant est mal élevé, même s’il y a tellement de choses en arrière de ça. Ça peut être lourd à porter pour un parent. Dans mon cas, ça ne me dérange plus vraiment, concède-t-elle. Je m’occupe de gérer la crise et pas de ce que les autres disent ou pensent.

— Audrey Long, autrice

Néanmoins, un parent dont l’enfant reçoit un diagnostic d’autisme nage la plupart du temps dans l’inconnu. La mère de famille raconte que «tu ne sais jamais ce qui va arriver, quels seront les défis. L’autisme, c’est un terme vague pour englober différentes choses. C’est pour ça que les premières années sont aussi difficiles».

Diagnostiqué à son entrée dans l’âge adulte

Jean-Louis Daigle est le père d’une personne autiste âgée de 36 ans. Il fait partie de ceux qui ont souffert du manque de ressources ou de connaissances par rapport aux troubles du spectre de l’autisme.

Il raconte que son fils Guillaume a reçu un diagnostic alors qu’il entrait dans l’âge adulte.

«Je me dis que s’il avait pu avoir de l’aide plus jeune, il aurait peut-être réussi à faire des études, s’attriste-t-il. Mon fils avait du potentiel, mais il aurait eu besoin de plus d’encadrement.»

Une marche organisée par le CEAPA en 2019.

Photo : Page Facebook CEAPA

Pendant ce temps, Guillaume subissait les contrecoups de son état, que ce soit des difficultés d’apprentissage ou de l’intimidation à l’école.

Malgré tout, le fils de Jean-Louis Daigle a réussi à s’inscrire à l’université et, par la suite, au collège. Les deux expériences ont malheureusement été des échecs.

«Pour un autiste comme mon garçon, quand il a un encadrement comme le milieu familial, ça va bien. Mais quand il sort de son cadre et doit assimiler plus de responsabilités, ça devient plus compliqué.»

Actuellement, le fils de Jean-Louis Daigle réside dans un foyer de soins à Edmundston, au Nouveau-Brunswick. Même si la pandémie n’a pas été facile pour le moral, il se porte bien, estime le père.

«Il est capable de parler et de communiquer, même s’il ne le fait pas toujours de la manière la plus adroite. Il aime beaucoup la musique et il sait beaucoup de choses sur les groupes musicaux», s’émerveille Jean-Louis Daigle.

Le père, qui s’investit depuis plusieurs années au sein de l’Association d’intégration communautaire Edmundston-Madawaska (AICEM), déplore toutefois qu’il y a encore «beaucoup de travail à faire» pour intégrer les personnes autistes adultes au marché du travail.

Liette Lanteigne du CEAPA explique que «dès qu’ils ont fini l’école, ils tombent comme dans un trou noir. Souvent, quand ils viennent au [CEAPA], c’est leur dernière ressource. On leur apprend à accepter qui ils sont, ce qui aide à l’estime de soi. Ça fait diminuer l’anxiété et la dépression qu’ils vivent, car ils ont souvent vécu plusieurs échecs au cours de leur vie».

«On leur apprend à se faire un budget, à faire des tâches ménagères et on les retourne souvent sur les bancs d’école.»