L’OÉCLM, dont le site Web devrait être lancé sous peu, «ancrera ses travaux dans la riche histoire de l’éducation en français en contexte minoritaire en Ontario et ailleurs au Canada», précise Nathalie Bélanger, professeure titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.
L’initiative est lancée en collaboration avec le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone (CCRMF) de l’Université d’Ottawa. La professeure y a d’ailleurs dirigé de 2005 à 2020 la Chaire de recherche Éducation et francophonie.

J’ai développé beaucoup de réseaux, de partenariats avec des gens du milieu éducatif, puis mon mandat s’est terminé – après deux mandats, on ne pouvait pas demander un autre renouvèlement! Mais j’avais envie de continuer à développer ce réseau-là, à travailler avec les gens.
Elle a ainsi eu l’idée de créer un observatoire, qui est «une structure assez flexible, assez agile, qui nous permet de travailler avec les gens pour la mobilisation des connaissances».
«On sait que la recherche ne traverse pas toujours la frontière du monde de la pratique, donc [le but sera] de recenser des études, de les résumer et de les diffuser dans le milieu de la pratique, tout en étant à l’écoute aussi de ce milieu qui a beaucoup à dire», ajoute la professeure, qui indique avoir un programme sur cinq à sept ans.
L’Observatoire bénéficie entre autres d’un fonds de démarrage du Cabinet du vice-recteur à la recherche et à l’innovation (CVRRI) de l’Université d’Ottawa.
Pénurie d’enseignants et variété linguistique
Pour Martin Meunier, directeur du CCRMF, la professeure Bélanger «a pu, peut-être mieux que quiconque, voir les problèmes qu’il y a parfois entre la tour d’ivoire que peut représenter l’université et le milieu scolaire, sur le plancher des vaches».
«Elle s’est dit qu’il fallait avoir plus de liens, plus de collaborations, mieux connaitre les pratiques éducationnelles in situ dans tous les milieux, et que chacun et chacune partout à la grandeur du Canada puisse s’inspirer des pratiques des autres pour renforcer ses propres pratiques éducationnelles», a-t-il résumé à l’occasion de la première de trois conférences visant à inaugurer l’OÉCLM.
L’Observatoire vient ainsi combler «un manque» d’après Richard Barwell, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa : «Il n’y a pas d’institution qui a ce rôle de rassembler les informations, les données, les expériences et les projets pour les faire rayonner.»

Martin Meunier, directeur du Collège des chaires de recherche sur le monde francophone ; la professeure Nathalie Bélanger ; Richard Barwell, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa ; et le conférencier Philippe Blanchet.
L’OÉCLM, précise Nathalie Bélanger, «servira aussi à créer un lieu de rencontre et de collaboration de partenaires, chercheurs, praticiens, groupes et associations».
Elle ajoute que les travaux se diviseront en trois axes : «Qu’est-ce que ça veut dire le rapport au travail pour des enseignants dans des milieux linguistiques minoritaires, qu’est-ce que ça veut dire le métier d’élève et le fait de vivre sa scolarité dans des écoles en situation linguistique minoritaire, et aussi toute la question du rapport au savoir.»

Le but de l’OÉCLM est «la mobilisation des connaissances et de faire connaitre les recherches récentes afin que les praticiennes et praticiens se les approprient».
L’Observatoire traitera par exemple de thèmes comme la pénurie d’enseignants et la variété linguistique – «quel est le profil des élèves dans nos écoles, quelles sont les connaissances que doivent avoir les enseignants pour travailler en milieu minoritaire», indique Nathalie Bélanger.
«C’est très concret parce qu’on travaille en mobilisation des connaissances, donc ça veut dire que les gens vont s’approprier les résultats de recherche pour réfléchir à leurs propres milieux, peut-être mettre en œuvre des résultats de recherche», ajoute-t-elle.
Une première conférence sur la «glottophobie»
La première des trois conférences d’inauguration, livrée par le professeur de sciences du langage, spécialité sociolinguistique et didactique des langues Philippe Blanchet, de l’Université Rennes 2, a notamment porté sur la «glottophobie».
Il définit ce terme comme «toute disparité de traitement, toute distinction, opérée entre des personnes physiques ou morales sur le prétexte de leurs pratiques linguistiques (de la ou des langues qu’elles utilisent et de la façon dont elles les utilisent à l’oral et à l’écrit)».

Les langues ne sont pas des outils qui nous sont extérieurs comme peut l’être un ordinateur, par exemple, mais elles sont des éléments qui constituent qui nous sommes. Les langues sont des éléments dans lesquels nous grandissons, nous nous construisons, et qui font partie de nous. […] Nous refuser le droit à utiliser notre langue, ça revient à nous refuser le droit d’exister en tant qu’individu singulier, différent des autres.
Pour Nathalie Bélanger, «c’est intéressant de consolider nos relations à l’international, de montrer aussi ce qu’on fait – le Canada est toujours cité à l’étranger pour notre réseau d’écoles en français langue minoritaire […] c’est toujours un sujet d’intérêt pour les gens ailleurs dans le monde.
«Je me dis : “Mettons en valeur notre réseau et établissons déjà des liens avec des collaborateurs à l’étranger pour lancer un peu les échanges”, bien sûr en travaillant aussi des relations plus locales», précise-t-elle.
L’OÉCLM devrait organiser des évènements à l’automne en collaboration avec diverses associations communautaires.