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le Jeudi 7 avril 2022 13:00 Francophonie

Un projet sur cinq ans pour mieux former les agents d’établissement en immigration francophones

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Le Projet national pour le développement des connaissances et capacités vise à structurer davantage la formation offerte aux agents d’établissement en francophonie minoritaire. — Photo : Pavel Danilyuk – Pexels
Le Projet national pour le développement des connaissances et capacités vise à structurer davantage la formation offerte aux agents d’établissement en francophonie minoritaire.
Photo : Pavel Danilyuk – Pexels
FRANCOPRESSE – En septembre 2020, le Collège Éducacentre de Colombie-Britannique a reçu 1,4 million $ pour un projet sur cinq ans qui vise à professionnaliser davantage le secteur de l’établissement en immigration en francophonie minoritaire. Près d’un an et demi plus tard, les contours du Projet national pour le développement des connaissances et capacités se précisent d’après son coordonnateur, Jamal Nawri.
Un projet sur cinq ans pour mieux former les agents d’établissement en immigration francophones
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Jamal Nawri est coordonnateur du Projet national pour le développement des connaissances et capacités. Il coordonne aussi le Programme d’établissement francophone du Collège Éducacentre.

Photo : Courtoisie

Depuis son arrivée en Colombie-Britannique en l’an 2000, Jamal Nawri s’implique dans le domaine de l’immigration francophone. Au fil des ans, il a rencontré des gens d’un peu partout au Canada pour discuter de l’établissement des personnes immigrantes et surtout de leur intégration.

«Ce qui ressortait, c’est que les gens étaient un peu laissés à eux-mêmes. Chacun bâtissait un peu sa façon d’accueillir et d’informer les immigrants pour leur installation», relate le coordonnateur du Projet national pour le développement des connaissances et capacités, lui-même natif de Casablanca, au Maroc.

Œuvrant dans divers organismes communautaires, comme les Réseaux en immigration francophone (RIF), les agents d’établissement en immigration accueillent et soutiennent les nouveaux arrivants dans les diverses phrases de leur processus.

«Le besoin de formation est ressorti […] L’idée est partie de là», ajoute Jamal Nawri en notant que de nombreux agents d’établissement sont eux-mêmes issus de l’immigration.

Cela leur donne une bonne idée des besoins de ceux qu’ils accueillent puisqu’ils sont déjà passés par là, indique le coordonnateur, mais ils ont tout de même besoin d’outils «pour mieux servir, qui permettent de mieux accueillir et intégrer les immigrants qui arrivent».

Les familles immigrantes dont les enfants vont à l’école en français peuvent avoir plus de facilité à s’intégrer à la communauté francophone.

Photo : Jeswin Thomas – Unsplash

«Au-delà du fait que les immigrants soient installés, il y a cette dimension qui est un peu propre à la communauté francophone en situation minoritaire, c’est qu’il faut les intégrer pour agrandir la famille francophone et pour qu’eux se sentent inclus. Il y a tout ce travail qui doit être fait par un agent d’établissement francophone», souligne celui qui coordonne aussi le Programme d’établissement francophone du Collège Éducacentre.

Sans cela, il y a d’après lui un danger que les nouveaux arrivants se tournent vers la majorité anglophone, surtout si les enfants ne sont pas à l’école francophone. Dans ce cas, «peut-être que les parents sont francophones, mais les générations futures peuvent être perdues pour la communauté francophone».

«Mais quand on est vraiment francophone, on finit par y revenir», assure néanmoins Jamal Nawri.

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Créer des liens entre communautés d’accueil et immigrants

Le Projet national pour le développement des connaissances et capacités comporte trois volets : l’élaboration d’une formation virtuelle pour les agents d’établissement, la réalisation de trois recherches appliquées qui mèneront à la création d’outils, et la création d’une simulation d’entrevue d’embauche en réalité virtuelle.

La partie «formation» «est vraiment venue du besoin des agents d’établissement eux-mêmes», explique Jamal Nawri.

Photo : Cedric Fauntleroy – Pexels

La partie «formation» «est vraiment venue du besoin des agents d’établissement eux-mêmes, des gens qui travaillent sur le terrain et qui veulent que leur métier soit plus professionnel, qu’il y ait un standard ou quelque chose de commun», indique Jamal Nawri.

Il tient cependant à nuancer son explication en précisant qu’il ne s’agit pas d’imposer des pratiques identiques à l’échelle du pays, mais plutôt de concevoir des outils ayant assez de souplesse pour être adaptés aux diverses réalités des communautés francophones.

Il va revenir à chacun et chacune de développer leurs façons de faire, mais aussi de la relier à leur réalité du terrain et de leur coin de pays. Il y a des choses qui seront communes, mais on espère donner les outils pour que chaque agent s’approprie la formation.

— Jamal Nawri, coordonnateur du Projet national pour le développement des connaissances et capacités

Si l’ensemble du projet doit être livré en 2025, les premiers modules de la formation sont déjà prêts, indique le coordonnateur : «On se donne grosso modo les six premiers mois de cette année pour faire des essais avec des agents pour qu’ils nous reviennent avec leurs commentaires et voir s’il y a des choses qu’on pourrait améliorer avant de les lancer», possiblement avant 2025.

Le volet «recherche appliquée» vise quant à lui à «développer une communauté de recherche au niveau de l’établissement, de l’immigration et de l’intégration, donc qui relie toutes ces dimensions de l’immigrant francophone», explique Jamal Nawri.

L’installation des nouveaux arrivants est importante, mais leur intégration à la communauté l’est tout autant.

Photo : Toa Heftiba – Unsplash

La première des trois recherches — qui sont «appliquées» dans la mesure où elles «sont plus proches de la réalité» et serviront à formuler des recommandations pour les agents et les communautés — a déjà été élaborée et porte sur le partage du patrimoine entre la communauté d’accueil et les communautés immigrantes.

Cela comprend notamment «l’histoire, tout ce qui a été fait par les communautés francophones pour survivre en situation minoritaire, la culture du milieu», énumère le coordonnateur.

Personnellement, je crois que pour s’installer quelque part, il faut connaitre l’histoire de la communauté dans laquelle on s’installe et vice-versa. La communauté qui reçoit doit avoir une certaine ouverture par rapport aux communautés qui viennent s’y installer.

— Jamal Nawri, coordonnateur du Projet national pour le développement des connaissances et capacités

Les appels à soumissions pour les deux autres recherches seront lancés au cours de l’année. «On espère qu’elles vont nourrir les formations continues qu’on pourra développer par la suite [selon les besoins] […] Le projet en lui-même n’est pas la fin, c’est un début», assure Jamal Nawri.

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«C’est des vies qu’on a en face de nous»

Le Collège Éducacentre utilise déjà la réalité virtuelle avec l’application immersive LifeSaVR.

Photo : Site Web Collège Éducacentre

Le volet «réalité virtuelle» se base en partie sur une expertise que possède déjà le Collège Éducacentre, qui a développé des cours en santé supportés par cette technologie.

Dans le cadre du Projet national pour le développement des connaissances et capacités, il s’agira d’un entretien d’emploi en réalité virtuelle : «Pour permettre à l’immigrant de peut-être se débarrasser d’un petit peu de stress avant d’arriver à sa première entrevue, surtout en anglais, qui est parfois quelque chose de nouveau. Même l’idée d’entrevue est quelquefois nouvelle pour les nouveaux arrivants», indique Jamal Nawri.

Les réponses seront écrites, à choix multiples, et varieront d’une fois à l’autre pour que la personne puisse refaire l’exercice.

Pour les agents d’établissement, c’est aussi une tâche de moins à accomplir : «C’est autoformateur, donc tout est expliqué dans la formation, avec un petit résultat à la fin» pour aider la personne à s’améliorer, explique le coordonnateur.

L’un des volets du projet permettra aux nouveaux arrivants de vivre une entrevue d’emploi en réalité virtuelle.

Photo : Christina @ wocintechchat.com – Unsplash

«On est en train de travailler sur les accents pour s’assurer qu’il y en ait plusieurs, même en anglais, parce que c’est la réalité de tous les jours. On va prendre en considération aussi le niveau d’anglais de la personne qui se présente à l’entretien [virtuel]», ajoute-t-il.

Pour Jamal Nawri, il est «important de comprendre que c’est des vies qu’on a en face de nous, ce n’est pas juste des chiffres».

«Il faut pouvoir dire : “J’ai servi des gens de façon à ce qu’ils puissent s’intégrer dans la communauté en général et dans la communauté francophone, mais aussi s’épanouir de la meilleure façon et le plus vite possible.” C’est aussi de les rendre autonomes parce que c’est ça le but, qu’ils ne dépendent pas des organismes à chaque pas de leur installation», soutient le coordonnateur.

C’est de donner des outils à ces personnes pour qu’elles puissent comprendre leur environnement […], devenir indépendantes et prendre tout leur essor, s’impliquer à leur tour et sentir qu’elles ont quelque chose à apporter à cette communauté minoritaire.

— Jamal Nawri, coordonnateur du Projet national pour le développement des connaissances et capacités

Alors que les francophones en milieu minoritaire connaissent un déclin démographique depuis plusieurs décennies, les agents d’établissement jouent selon lui un rôle important pour «donner un vrai boost aux communautés francophones en disant qu’elles sont là, qu’elles existent et qu’elles existeront encore longtemps».

Jamal Nawri espère que le gouvernement reconnaisse l’importance de «rattraper le retard» en immigration francophone et donne les moyens aux communautés francophones de se préparer à accueillir davantage de nouveaux arrivants.