le Samedi 19 avril 2025
le Mercredi 6 avril 2022 13:00 Politique

Prochaine campagne électorale ontarienne : les enjeux ne manquent pas

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Les élections provinciales ontariennes auront lieu le 2 juin. — Photo : Scazon – Flickr
Les élections provinciales ontariennes auront lieu le 2 juin.
Photo : Scazon – Flickr
LE VOYAGEUR (Ontario) – Les élections provinciales de juin approchent à grands pas en Ontario. Certains des grands débats sont prévisibles, comme la gestion de la pandémie ainsi que l’accès au logement. Ce qui l’est moins, c’est la réaction de l’électorat par rapport au bilan du gouvernement conservateur de Doug Ford.
Prochaine campagne électorale ontarienne : les enjeux ne manquent pas
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France Gélinas, députée néodémocrate ontarienne de la circonscription provinciale de Nickel Belt et porte-parole de l’opposition en matière de santé, et Stéphanie Chouinard, professeure agrégée au Département de science politique du Collège militaire royal du Canada, s’entendent pour dire que la campagne électorale à venir verra tous les partis politiques attaquer en priorité la façon dont le gouvernement provincial a géré la pandémie.

«Je pense qu’on ne pourra pas s’en sortir. Dépendant où nous sommes en juin, ça pourrait jouer pour ou contre le gouvernement Ford», pense Stéphanie Chouinard.

France Gélinas, députée néodémocrate ontarienne de la circonscription provinciale de Nickel Belt et porte-parole de l’opposition en matière de santé.

Photo : Courtoisie

France Gélinas, élue pour la première fois en 2007, s’inquiète de l’état actuel de tous les aspects du système de santé et notamment du million de chirurgies qui ont été retardées en Ontario en raison de la pandémie.

«De plus, il y a eu des révélations aussi que notre système de soins de longue durée n’est pas ce qu’on s’attendait, et qu’on a besoin d’améliorer la qualité des soins des personnes qui sont là ainsi que le respect envers elles», ajoute la députée.

Même les temps d’attente dans les hôpitaux ont atteint des sommets inégalés, rapporte la députée. Elle mentionne au passage l’hôpital Horizon Santé-Nord (HSN) à Sudbury, qui peine à fournir des soins de base parce que le personnel a de la difficulté à trouver de l’espace pour installer les patients.

France Gélinas se désole aussi que «les professeurs disent qu’ils voient maintenant le début des effets de la pandémie sur la santé mentale de nos enfants».

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Voitures, autoroutes et banlieues

Selon les projections électorales du site Qc125 Ontario, en date du 27 mars, le gouvernement Ford risque d’être réélu avec 36 % des suffrages. Les libéraux dépassent de peu les néodémocrates avec respectivement 28 % et 25 % des probabilités de vote.

Le professeur Philippe J. Fournier, qui est derrière le site, projette que les conservateurs ont 96 % de chances de remporter l’élection et 61 % de chances qu’il s’agisse d’un gouvernement majoritaire.

Stéphanie Chouinard, professeure agrégée au Département de science politique du Collège militaire royal du Canada.

Photo : Courtoisie

Stéphanie Chouinard s’attend toutefois à du mouvement du côté de la gauche : «C’est certain qu’à la gauche il va avoir une espèce de coalition pour tenter de déloger le gouvernement», prévoit la politologue spécialiste de politique canadienne.

À lire aussi : Une entente NPD-libéraux en Ontario pour nuire à Doug Ford? (Le Droit)

Elle pense qu’à observer le comportement et l’enthousiasme de Doug Ford pour les autoroutes et les voitures, son public cible est déjà évident : «C’est clair que M. Ford ne s’attend pas à faire des gains au centre-ville de Toronto et au centre-ville d’Ottawa, par exemple.»

Selon elle, «il va vraiment cibler les circonscriptions pivots dans les banlieues, dans les régions riches en sièges où on aurait peut-être une chance de conserver des acquis ou de percer dans certains endroits».

Ces mêmes réflexions valent pour le Nord de l’Ontario : «Ce n’est pas vraiment sur son radar. Ce n’est pas vraiment un enjeu qui est à l’avant-plan pour lui. C’est vraiment un gars de la banlieue de Toronto et ça parait dans ses priorités», souligne Stéphanie Chouinard.

Une relation difficile avec les francophones

La politologue note que le gouvernement de Doug Ford s’est embourbé auprès des francophones durant son mandat : «C’est certain que c’est un mandat qui a commencé sur une très mauvaise note avec le jeudi noir. Ça a teinté, pour la suite des choses, la vision que les Franco-Ontariens allaient avoir de ce gouvernement-là», croit-elle.

«[Le gouvernement] a tenté à plusieurs égards de réparer les pots cassés. On a fait demi-tour sur la question de l’Université de l’Ontario français, on a corrigé le tir en partie à l’égard du Bureau du Commissariat aux services en français, bien que ce soit un bureau qui n’a pas retrouvé sa pleine indépendance», rappelle Stéphanie Chouinard.

Elle estime toutefois que le gouvernement a fait quelques bonnes choses :

On a vu un certain nombre de dossiers qui ont avancé. De plus, le bureau du premier ministre s’est équipé d’une conseillère en matière d’Affaires francophones, ce qui n’était pas le cas au début du mandat.

— Stéphanie Chouinard, politologue

Cette fois, le gouvernement n’a pas intérêt à oublier la force politique des francophones d’après la politologue. Selon elle, le gouvernement «s’est fait prendre par surprise par le dynamise et l’organisation politique des Franco-Ontariens. Il y a eu une prise de conscience assez tôt dans le mandat que c’est un dossier à prendre au sérieux et que les Franco-Ontariens n’allaient pas laisser leurs services et acquis disparaitre sans un mot à dire».

Stéphanie Chouinard ajoute toutefois que «ça demeure un gouvernement avec lequel on doit constamment surveiller les acquis, je pense.»

Le risque de privatisation

Ancienne directrice du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury (CSCGS), la députée France Gélinas craint que la réélection du gouvernement Ford ne mène à une privatisation du système de santé de l’Ontario.

«Ils pourront utiliser la crise que nous vivons pour dire que le système public n’en peut plus et qu’il faut aller au privé. Il y aura beaucoup de personnes qui seront très contentes d’ouvrir des bureaux privés, mais cela ne veut pas dire que ça serait toujours dans le meilleur intérêt du patient», soutient-elle.

La députée mentionne également qu’il faudra viser des hausses de salaire pour certains emplois dans les soins de santé et offrir plus de sécurité d’emploi pour rassurer les employés. «Il y a beaucoup de choses que le gouvernement peut faire pour améliorer tout ça», selon elle.

France Gélinas avait déjà maille à partir avec la gestion du système de santé par le gouvernement Ford avant la pandémie : «Par exemple, au début de son mandat, le gouvernement a coupé plus de 100 millions de dollars dans la santé publique. Pour nous, les gens du Nord, on a eu tout à perdre par rapport à ça», précise-t-elle.

Elle souligne qu’il faut s’opposer en tous sens à la privatisation en faisant valoir qu’un système non axé sur les profits des actionnaires permettra de mieux rémunérer les employés ainsi que de renforcer leur sécurité d’emploi.

Problèmes dans les foyers de soins de longue durée

Selon Stéphanie Chouinard, l’état actuel des foyers de soins de longue durée est «probablement l’un des points où les membres de l’opposition auront le plus à gagner».

«Les paiements de dividendes ont presque quadruplé depuis le début de la pandémie parce que [les foyers ont] été capables de prendre de l’argent qui était réservé pour des couts reliés à la pandémie [et le verser aux] propriétaires», avance la politologue.

France Gélinas affirme que le Nord de l’Ontario ressent cruellement les effets de la privatisation dans ce secteur. «[Dans] Nickel Belt, il y a plus de gens qui attendent pour des soins de longue durée qu’il y en a qui les reçoivent», déplore-t-elle.