Je mesure souvent la chance et le privilège que j’ai d’occuper un emploi qui me plait et qui a un sens à mes yeux. Qui me permet de m’épanouir et de me battre au quotidien pour mes idéaux, tout en m’offrant des conditions de travail convenables.
Une partie de moi jalouse néanmoins le tarif horaire de mon partenaire, qui travaille en informatique. Tout comme le salaire de mes homologues masculins dans des secteurs moins féminisés.

«Force est de constater que les femmes gagnent toujours moins que les hommes au Canada», écrit notre chroniqueuse Julie Gillet.
Bien que l’égalité salariale soit inscrite dans les textes de loi depuis des décennies, et malgré les avancées indéniables des dernières années en matière d’équité salariale — fruit des efforts acharnés des mouvements féministes de partout au pays —, force est de constater que les femmes gagnent toujours moins que les hommes au Canada.
La Journée de paye équivalente, dont la date varie en fonction des pays et des années selon les écarts réels entre les salaires des femmes et des hommes, est l’occasion de rappeler le chemin qu’il reste à faire. Elle sert aussi à exposer les raisons, les réalités et les répercussions de cette injustice qui touche tout particulièrement les femmes à la croisée des oppressions.
Des chiffres et des faits
Au cours des 30 dernières années, le nombre de femmes sur le marché de l’emploi a considérablement augmenté au Canada, y compris dans les secteurs traditionnellement occupés par les hommes. Les femmes sont également désormais plus nombreuses que les hommes à avoir un baccalauréat ou un diplôme de niveau supérieur. Néanmoins, les écarts salariaux persistent, statistiques à l’appui.
Commençons par comparer les salaires horaires : en 2021, pour chaque dollar de salaire des hommes, les femmes gagnaient en moyenne 0,89 $, soit 11 % de moins.

Les métiers «traditionnellement féminins» payent généralement moins bien que les métiers «traditionnellement masculins».
Cet écart s’explique en partie par le fait que les secteurs traditionnellement féminins, comme les services aux personnes, la restauration ou les soins de santé, offrent généralement une rémunération moins avantageuse que les domaines traditionnellement réservés aux hommes, comme les sciences et la technologie.
Cet état de fait trouve ses racines dans la reproduction des rôles sociaux de genre et dans la perpétuation des stéréotypes de genre, notamment par l’école, mais tel n’est pas le propos de la présente chronique.
Cette différence salariale s’explique également par ce qui s’appelle communément le plafond de verre ou le plancher collant : plus on monte dans la structure hiérarchique d’une entreprise ou d’un organisme, moins il y a de femmes. À peine un quart des postes de cadres supérieurs et seulement un poste sur cinq dans les conseils d’administration sont occupés par des femmes aujourd’hui au Canada.
Mais cette comparaison des salaires horaires ne permet pas de rendre compte de l’étendue et de la complexité du problème des inégalités salariales.
Ainsi, si l’on prend les gains annuels moyens des hommes et des femmes en emploi, on observe que l’écart des revenus grimpe à 27 %. Ce chiffre brosse un portrait plus fidèle de la réalité, puisqu’il tient compte du fait que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel : une travailleuse sur quatre est à temps partiel, contre un travailleur sur dix. Ce temps partiel est par ailleurs plus souvent contraint que choisi, dicté, entre autres, par le manque de services de garde d’enfants.

Pour chaque dollar gagné par un homme, une femme racialisée gagne 0,66 $, une femme autochtone 0,65 $ et une femme ayant un handicap 0,54 $.
Notons par ailleurs que les écarts se creusent encore davantage pour les femmes à la croisée des oppressions : pour chaque dollar gagné par un homme, une femme racialisée gagne 0,66 $, une femme autochtone 0,65 $ et une femme ayant un handicap 0,54 $.
Des solutions envisageables
Il est clair que l’égalité salariale est un enjeu complexe, qui puise ses origines dans des problématiques multiples et interconnectées. Néanmoins, il existe des solutions pour en venir à bout.
Il serait possible de travailler tout d’abord en amont pour lutter contre les stéréotypes de genre et renforcer la mixité dans l’ensemble des secteurs professionnels.
Il faudrait aussi déployer des efforts en aval, en mettant en place des outils de contrôle et de sanctions pour assurer l’équité salariale dans le secteur privé – en obligeant les entreprises à rendre leurs informations salariales transparentes et accessibles, par exemple.
Enfin, il faudrait proposer des solutions globales pour améliorer le marché du travail dans son ensemble et lutter en profondeur contre les discriminations qui y sévissent. La mise en place d’un système pancanadien de service de garde d’enfants abordable est, en ce sens, un pas dans la bonne direction.
Julie Gillet est directrice du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick. Ses chroniques dans Francopresse reflètent son opinion personnelle et non celle de son employeur.