
Marie-Claude Rioux, directrice générale de la FANE.
Pour la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Marie-Claude Rioux, il est clair que dans ce dossier, «on est en mode rattrapage».
Les premières circonscriptions protégées en Nouvelle-Écosse datent de 1992.
À l’époque, la Commission sur la représentation effective des électeurs acadiens et afro-néoécossais a conclu que la meilleure façon d’améliorer la représentation effective de ces deux groupes consistait à créer quatre circonscriptions protégées : celle de Preston, qui comptait entre 25 et 30 % de citoyens de descendance africaine, et celles de Clare, Argyle et Richmond pour les Acadiens néoécossais.
Laissée de côté, la région de Chéticamp a pour sa part continué de faire partie de la circonscription provinciale d’Inverness.
En 2012, les néodémocrates de Darrell Dexter ont aboli les circonscriptions acadiennes protégées. Cinq ans plus tard, en 2017, à la suite d’une bataille juridique menée par la FANE, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a déclaré que cette décision était anticonstitutionnelle.
En 2019, le gouvernement néoécossais a présenté de nouvelles délimitations de circonscriptions électorales qui rétablissent les trois circonscriptions acadiennes.
La Commission de délimitation des circonscriptions électorales a toutefois rejeté la demande de création d’une quatrième circonscription acadienne à Chéticamp. Depuis, la FANE ne cesse de se battre pour ce coin de province.
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Pourquoi une circonscription protégée?
Marie-Claude Rioux explique que les circonscriptions protégées ont permis aux communautés acadiennes de Clare, Agyle et Richmond d’avoir un poids au sein du gouvernement néoécossais : «On avait des ministres à ce moment-là!»
La Commission s’est déplacée deux fois à Chéticamp, en 2018 et 2019, pour entendre la population. La deuxième fois surtout, la salle était pleine, se rappelle Marie-Claude Rioux. D’après la directrice de la FANE, «l’espoir est né» cette journée-là pour les gens de la localité.
Aux personnes qui sont d’avis que Chéticamp ferait sans doute une trop petite circonscription avec ses quelque 5 000 habitants, Mme Rioux rétorque qu’«il y en a» des petits comtés moins populeux que la moyenne, comme la circonscription provinciale québécoise des Îles-de-la-Madeleine qui compte à peine plus de 10 000 électeurs.
De plus, la directrice générale mentionne que dans la lutte de Chéticamp pour obtenir une circonscription protégée, les communautés anglophones à ses frontières nord et sud se sont prononcées en faveur de la cause acadienne.
Le point de vue juridique
Optimiste prudente, Marie-Claude Rioux assure que son organisme n’entreprend pas cette bataille les yeux fermés : «Si on n’avait aucune chance de gagner, notre équipe juridique nous l’aurait dit.»
Cette équipe est composée des avocats Michel Doucet, Réal Boudreau et Réjean Aucoin. En novembre prochain, devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, le triumvirat fera valoir ses arguments pour convaincre le juge bilingue Pierre Muise du bienfondé de la demande.
Les codemandeurs dans cette affaire sont Natalie Aucoin, Marcel Bourgeois, Danielle Chiasson-Haché, Darlene Doucet et Maurice LeLièvre.

L’avocat Réjean Aucoin fait partie de l’équipe juridique de la FANE dans ce dossier.
Maitre Réjean Aucoin est d’avis que des motifs historiques militent pour la création d’une circonscription protégée à Chéticamp. Il rappelle qu’au retour des Acadiens en Nouvelle-Écosse après le Grand Dérangement, ce sont les autorités anglaises qui ont dispersé les Acadiens pour favoriser l’assimilation.
«On nous a défendu d’être en grands groupes, explique l’avocat. Nous sommes les produits de l’histoire de cette procédure après la déportation.»
De plus, maitre Aucoin signale que la Loi sur les langues officielles sera surement invoquée lors de ce procès civil.
Dans le préambule de cette loi, le gouvernement fédéral s’engage à «favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement».
Selon l’avocat acadien, la partie adverse — la Province — avancera surtout des raisons économiques pour éviter de devoir créer une nouvelle circonscription. Il s’attend aussi à ce que le gouvernement soutienne que le député d’Inverness peut très bien s’occuper des citoyens de Chéticamp.
À l’instar de Marie-Claude Rioux, maitre Aucoin ne le croit pas. Après tout, «la province n’est-elle pas fiduciaire du développement des Acadiens?», demande le juriste.
D’ici à novembre, les trois avocats se prépareront notamment en utilisant les avis que la FANE a sollicités auprès de certains spécialistes d’histoire et de géographie afin de démontrer le bienfondé d’une quatrième circonscription acadienne.
Chéticamp n’a pas eu de député acadien depuis l’élection d’Hubert Aucoin en 1925, mais cela pourrait changer si la FANE gagne sa cause.