Daniel Arseneault s’arrête devant un pin blanc dans le bois situé derrière l’école Mathieu-Martin. L’enseignant de géographie raconte alors un évènement de l’histoire acadienne en rapport avec l’arbre.
«Regarde, c’est sans courbe, montre-t-il. Et ça ne casse jamais! Les Anglais en faisaient des mâts.»
Celui qui a travaillé pour des parcs nationaux interrompt aussi sa marche pour se pencher sur des feuilles au ras du sol. «C’est du thé du Labrador, s’enthousiasme-t-il. Ça se fume et ça donne une vraie bonne infusion!»

De la même façon, M. Arseneault multiplie les commentaires devant l’écorce d’un bouleau, des branches d’épinette et des trous de piverts. Il fait la même chose avec ses élèves.
«Marcher, ça les rafraichit et j’ai la possibilité de leur apprendre mille choses que leurs grands-parents ne peuvent plus leur enseigner, car ils n’habitent plus à la campagne», juge le quinquagénaire.
L’apprentissage concret
Daniel Arseneault a amené ses jeunes de 14 à 17 ans à travailler en équipe de façon concrète en leur faisant défricher des sentiers, après avoir pris de l’avance dans son enseignement théorique.
Je voulais trouver une place à ceux qui n’avaient pas le gout des cours académiques. Certains adolescents ont pu montrer des qualités dont ils ne pouvaient pas se servir en classe.
L’enseignant souligne aussi les possibilités de socialisation apportées par les promenades en forêt.
«J’ai vu un enfant introverti spécialiste des champignons avec un gars de hockey qui avait le même intérêt, s’émeut-il. Le modèle traditionnel n’aurait pas permis ça.»
M. Arseneault souhaite maintenant pouvoir installer des lieux pour donner des conférences et des spectacles dans le bois, ainsi que finaliser les sentiers. Pour ça, il espère lancer une collecte de fonds.
L’école Mathieu-Martin a déjà investi 30 000 $. Elle a besoin de 60 000 $ à 80 000 $ supplémentaires pour terminer le projet. Celui-ci s’inscrit dans le 50e anniversaire de l’établissement (en septembre 2022), qui souhaite se réinventer. Et question créativité, M. Arseneault ne manque pas d’audace.
«La folie n’arrête plus», s’exclame-t-il en décrivant le spectacle qu’il voudrait monter en forêt avec ses élèves, plein d’explosions, de cascades et de flashs.

L’ancien aventurier, qui a voulu devenir Tintin en voyageant dans le Grand Nord et en Afrique, veut transmettre son gout pour le rêve. Et c’est dans la nature qu’il en a trouvé la matière première.
«Les étudiants s’amusent! Ils ont du plaisir et vivent quelque chose au lieu de rester entre quatre murs», s’écrie l’enseignant.
Consultez le site du journal Acadie Nouvelle
Constat d’un mieux-être
Le directeur adjoint de l’école Mathieu-Martin, Daniel Bourgeois, ajoute que le projet de classes en forêt vise à détacher les jeunes des écrans.
Il s’agit aussi de conscientiser les jeunes à la protection de l’environnement et à la valeur de l’espace boisé. La découverte de la faune et de la flore est une expérience révélatrice pour eux.
M. Bourgeois fait surtout valoir l’augmentation des besoins en santé mentale qu’il remarque depuis une dizaine d’années chez les élèves.
«On décèle chez certains une anxiété qu’on ne voyait pas avant», précise-t-il en pensant que les sorties remédient en partie à ce malêtre.
Enfin, le responsable avance que les classes en extérieur permettent aux enseignants d’atteindre de nouveaux objectifs pédagogiques : l’autonomie des élèves quant à leur apprentissage et l’esprit d’entreprise.
«Les jeunes coordonnent les ressources pour aménager un sentier, font des vidéos promotionnelles et organisent des conférences, illustre-t-il. C’est fini l’époque où on restait assis à un pupitre à apprendre des leçons par cœur!»
M. Bourgeois confie néanmoins fonder davantage son projet sur un besoin ressenti par les enseignants et les élèves que sur la littérature scientifique.
«Dans une deuxième phase, nous construirons des cours avec les ressources disponibles dans la nature pour obtenir des résultats qu’on ne pourrait pas atteindre à l’intérieur, précise-t-il. Là, on y va avec les plus convaincus pour chercher un momentum et créer cette classe extérieure.»
M. Bourgeois fait surtout valoir l’augmentation des besoins en santé mentale qu’il remarque depuis une dizaine d’années chez les élèves.
«On décèle chez certains une anxiété qu’on ne voyait pas avant», précise-t-il en pensant que les sorties remédient en partie à ce malêtre.
Enfin, le responsable avance que les classes en extérieur permettent aux enseignants d’atteindre de nouveaux objectifs pédagogiques : l’autonomie des élèves quant à leur apprentissage et l’esprit d’entreprise.
«Les jeunes coordonnent les ressources pour aménager un sentier, font des vidéos promotionnelles et organisent des conférences, illustre-t-il. C’est fini l’époque où on restait assis à un pupitre à apprendre des leçons par cœur!»
M. Bourgeois confie néanmoins fonder davantage son projet sur un besoin ressenti par les enseignants et les élèves que sur la littérature scientifique.
«Dans une deuxième phase, nous construirons des cours avec les ressources disponibles dans la nature pour obtenir des résultats qu’on ne pourrait pas atteindre à l’intérieur, précise-t-il. Là, on y va avec les plus convaincus pour chercher un momentum et créer cette classe extérieure.»
La mode de l’apprentissage à l’extérieur
La volonté de sortir les élèves est-elle renforcée par la pandémie? En tout cas, le président du centre régional d’expertise sur l’éducation pour un développement durable de Tantramar affirme que de nombreuses écoles du Canada l’ont contacté récemment.
«Durant la pandémie, on a redécouvert qu’il y avait une meilleure ventilation à l’extérieur, remarque Michael Fox. Mais avant ça, il y avait eu beaucoup de recherches montrant que c’est bien mieux de voir et de vivre, plutôt que d’apprendre dans un livre ou une présentation numérique.»
En effet, depuis quelques années déjà, des écoles mettent en place des classes en extérieur au Nouveau-Brunswick et au Québec, par exemple. Des enseignants réfléchissent à cette pratique en France également.
Avec des étudiants du programme d’études en sciences environnementales de l’Université Mount Allison, M. Fox a par exemple aidé trois écoles du district scolaire anglophone est à proposer ce type de cours à partir de 2013.
Le professeur se félicite de leur succès : un taux d’absentéisme en forte baisse les jours de sortie et une augmentation du temps passé dehors par les élèves (5 h par semaine tout au long de l’année à l’école Salem à Sackville).
«La chose la plus importante que j’ai remarquée depuis huit ou 10 ans, c’est que les élèves sont toujours intéressés par l’apprentissage en extérieur, soutient-il. Ils sont plus attentifs. Ils peuvent courir, jouer, expérimenter et s’amuser plutôt que d’aborder les choses de façon théorique.»
Une maitre de Conférence en Sciences de l’Éducation à l’Université Paris-Est, Laura Nicolas, a toutefois tempéré l’appel de la nature ressenti par certains enseignants dans le média The Conversation.
Mettez les enfants dehors, donc, vous en ferez des élèves heureux et “performants”, s’exclame-t-on, enthousiastes et, sans doute, de manière trop simpliste.
La chercheuse a souligné que c’était en fait l’association du plein air et de la pédagogie des enseignants qui générait les bienfaits des classes en extérieur (motivation augmentée, anxiété réduite, compétences relationnelles améliorées).
D’ailleurs, M. Fox soutient que les partenariats entre l’Université Mount Allison et les trois écoles de Sackville et Dorchester ont été un facteur important du succès de leur classe en nature.
«Avoir l’Université de Mount Allison, c’était avoir le point de vue scientifique et des gens capables de chercher des subventions [au fonds de fiducie pour l’environnement du Nouveau-Brunswick]», précise-t-il.
Le chercheur évoque d’une part le défi de se procurer des infrastructures (comme une classe en forme de bateau pirate, des jardins, une zone humide, des sentiers, etc.). Elles ont couté initialement 100 000 $ à l’école Salem, par exemple.
«Le point vraiment important a été d’obtenir de l’expertise pour aider les enseignants à développer des programmes, à être capables d’amener les enfants dehors et à superviser leur travail», souligne d’autre part M. Fox.
Le professeur ajoute qu’il a apporté des connaissances environnementales précises aux enseignants sur les changements climatiques, l’adaptation à ces phénomènes ainsi que sur les espèces d’animaux et de plantes.
Bon investissement pour l’école Saint-Basile à Edmundston
Le directeur adjoint de l’école Saint-Basile à Edmundston, Jocelyn Daigle assure être très content d’avoir investi dans une classe en extérieur.
Sous la forme d’un chalet dont les fenêtres laissent passer la brise, les chants d’oiseaux, mais aussi le bruit des automobiles, elle a été inaugurée en juin 2019.

«Cette année, elle a été moins utilisée à cause de la COVID-19, remarque M. Daigle. On devait faire du nettoyage après la venue de chaque classe. Ça posait donc des contraintes opérationnelles.»
Il affirme en revanche que les enseignants ont amené leurs élèves dans l’abri dès septembre 2019 pour qu’ils participent à des activités permettant de faire connaissance. Il souligne aussi que le yoga et les étirements s’y pratiquent mieux que dans une classe traditionnelle.
«Il n’y a pas un enseignant qui soit allé lire la littérature scientifique, raconte le directeur adjoint au sujet des classes en extérieur. On y est allé au pif.»
M. Daigle observe en tout cas que la perspective de passer du temps à l’extérieur enchante élèves et enseignants.
C’est un endroit pour apprendre autrement et voir la vie de tous les jours. Ça permet de montrer aux jeunes les choses sans internet, sans tableau interactif et de les faire travailler avec une feuille et un crayon, comme dans les Filles de Caleb [téléroman québécois des années 90].
Le directeur adjoint pense en outre que les élèves ayant participé à la construction du chalet ont développé un sentiment d’appartenance à leur établissement.
«Pour les élèves qui ont peint les planches, c’était exceptionnel, se souvient M. Daigle. Ils ont aidé à créer cet endroit, qui est un peu le leur et qu’ils laisseront.»
Ce projet de classe en extérieur est aussi sa fierté. Il a mis plus de trois ans à le terminer avec l’aide du comité des parents et de la communauté, le temps de trouver les financements et les autorisations nécessaires.