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le Samedi 8 janvier 2022 13:00 Politique

Enseigner le français à un élu anglophone

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Apprendre le français quand on est élu: ils sont plusieurs à le promettre, mais peu y arrivent vraiment.  — Jason Goodman – Unplash
Apprendre le français quand on est élu: ils sont plusieurs à le promettre, mais peu y arrivent vraiment.
Jason Goodman – Unplash
IJL – LE DROIT (Ontario) – Apprendre le français quand on est élu : ils sont plusieurs à le promettre, mais peu y arrivent vraiment. Le Droit s’est entretenu avec Sonia Behilil, une personne qui a joué un grand rôle dans les apprentissages de la langue française d’un élu unilingue anglophone de l’Est ontarien.
Enseigner le français à un élu anglophone
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En novembre dernier, le député de Stormont-Dundas-Glengarry Eric Duncan s’est levé à la Chambre des communes pour remercier, en français, celle qui l’a aidé à améliorer ses connaissances de la langue de Molière.

Comment expliquer le succès d’Eric Duncan dans ses apprentissages du français?

«Ça part du désir d’apprendre le français», lance Sonia Behilil. Elle est une experte du domaine linguistique et chargée de projets au sein de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO-SDG) de Stormont, Dundas et Glengarry.

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«D’abord, l’ACFO a répondu à une demande, qui a été faite par Eric Duncan lui-même. Il avait besoin d’aide pour son français, et il avait vraiment le désir de s’investir dans le développement de son bilinguisme. L’ACFO a répondu présente.»

L’étape suivante, cruciale dans ce processus, est de s’adapter aux besoins du député.

Notre approche, c’est de l’appuyer. Ce n’est pas un cours de français, à proprement parler, et il faut vraiment faire la différence. On n’a pas une approche structurelle. L’idée, c’est de répondre à son besoin ponctuel, de l’aider dans ses différentes déclarations, discours, et dans le message qu’il veut apporter à la communauté francophone.

— Sonia Behilil, chargée de projets au sein de l’Association canadienne-française de l’Ontario de Stormont, Dundas et Glengarry.

Eric Duncan, député de Stormont-Dundas-Glengarry

Twitter

Dans le cas d’Eric Duncan, cela s’est traduit en rencontres hebdomadaires, afin de lui offrir un appui en communication orale et rhétorique, et pas dans la traduction littérale des messages. «Tout est dans l’intention, dans la compréhension, et comment il veut s’adresser à la communauté francophone», assure encore Sonia Behilil.

Et on le constate désormais en chambre, lorsque le député s’exprime en français. Eric Duncan ne lit pas ses notes, il s’exprime de façon ponctuelle.

Dans la région de Glengarry-Prescott-Russell, près de 60 % de la population est francophone. À Cornwall, on compte plus de 22 % des résidents dont la langue maternelle est le français. Dans le secteur de Stormont, 26 % sont des francophones, et dans la région de Dundas, ce pourcentage se situe environ à 7 %.

Quand ce progressiste-conservateur de l’Est ontarien a été élu, même son site Web n’était pas disponible en français. Aujourd’hui, tout y est disponible dans les deux langues officielles du pays, et aux dires de Sonia Behilil, l’élu «ne rate pas une occasion de parler français».

Barrières?

Eric Duncan n’est pas le seul politicien à avoir promis de s’améliorer en français. Mais il est l’un des rares qui a bel et bien réussi.

Qu’est-ce qui fait que, si souvent, les politiciens ne réussissent pas à accomplir leur promesse d’apprendre le français?

Selon l’expertise de Sonia Behilil, il y a deux barrières à l’apprentissage d’une langue étrangère.

La première : le manque de confiance en soi. «Moins on a d’occasions de s’exprimer dans la langue, moins on est reçu positivement dans notre expression de la langue.»

La deuxième : l’absence d’opportunités de s’investir. «Il a été prouvé que le déclic se fait dans les moments où le cerveau est moins conscient qu’il est en apprentissage. Dans ces moments où on est moins investi dans l’apprentissage, et qu’on est en relaxation, comme en écoutant une émission de radio, ou simplement en s’entourant de personnes qui parlent la langue, ça permet de développer, d’un point de vue cognitif, une aisance.»

Sonia Behilil souligne qu’il faut voir l’apprentissage d’une langue comme une occasion plutôt qu’un défi.

Les personnages publics et leurs promesses

La nomination de la Gouverneure générale Mary Simon, qui parle l’anglais, l’inuktitut, mais pas le français, a fait couler de l’encre en 2021.

Elle a promis qu’elle suivrait des cours de français.

À lire aussi : Mary Simon entre en poste et s’engage à apprendre le français

Si l’on en croit Sonia Behilil, il faudra que Mme Simon fasse preuve d’un réel désir d’apprendre la langue pour en venir à ses fins.

«Il faut d’abord s’affranchir de l’appréhension à l’idée d’apprendre une nouvelle langue», juge la jeune femme.

En Ontario, l’ex-première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne en est une autre qui a réussi à démontrer des progrès évidents en français au cours de sa carrière en politique.

Durant la dernière année, son successeur Stephen Del Duca, qui aspire à devenir le prochain premier ministre de l’Ontario, a indiqué qu’il n’avait pas besoin d’apprendre le français pour bien représenter les Ontariens, même s’il avait promis de suivre des cours, en mars 2020.

Son adversaire néodémocrate Andrea Horwath affirme quant à elle ne pas encore avoir été en mesure de trouver un programme d’apprentissage du français qui lui convient.

Elle n’a toutefois jamais promis qu’elle apprendrait la langue de Molière.

Doug Ford promet pour sa part de l’apprendre depuis 2019, mais n’a encore démontré aucune amélioration.

Pour Sonia Behilil, il est essentiel que les élus qui nous représentent parlent les deux langues officielles du Canada.

«Personnellement, je crois que c’est une nécessité. C’est une richesse pour le Canada de faire vivre le bilinguisme. Pour un politicien, quel qu’il soit, tous partis confondus, c’est primordial d’être bilingue, ou du moins d’avoir l’intérêt, le gout de représenter le pays tout entier.»