Depuis le 6 avril, les enseignants de l’Ontario ont démarré une nouvelle phase dans le processus d’enseignement en ligne établi par le ministère de l’Éducation. Cette phase consiste à établir un contact avec les élèves, faire un suivi régulier, corriger des travaux ainsi qu’interagir avec les parents.
Il faut dire que le gouvernement de l’Ontario, qui a décidé de fermer les écoles depuis le 16 mars dernier, était pris au dépourvu face à la situation qu’imposait la pandémie. La solution préconisée : les plateformes numériques.
Si ce processus est révolutionnaire et très avant-gardiste pour certains enseignants, il contient des zones ombragées pour d’autres.
L’apport des enseignants
Depuis le 6 avril, Julie, une enseignante en maternelle dans la région qui a requis l’anonymat, participe activement dans les journées de ses élèves. «Mes élèves sont encore petits pour des réunions quotidiennes, mais j’ai établi le contact avec eux plusieurs fois, explique-t-elle. Le but était de les remettre dans le contexte de l’école. C’est très important qu’ils rencontrent des collègues et l’enseignante.»
L’enseignante se dit ravie de cette expérience, malgré la situation extraordinaire qui l’entoure. «Je crois que les élèves sont très contents de pouvoir partager la journée avec leurs parents. Je suis là pour les accompagner, mais aussi pour les rassurer», indique Julie.
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Les directives du ministère font en sorte que tous les enseignants des conseils scolaires ont des horaires de travail assez chargés. Les formules varient d’un conseil scolaire à l’autre. Règle générale, les élèves participent à des classes virtuelles et doivent faire des travaux à la maison qu’ils remettent à leurs enseignants.
C’est le cas d’Alain, un enseignant du primaire dans une école de Prescott-Russell, qui a aussi requis l’anonymat. «Mes élèves ont l’obligation de passer cinq heures de cours par semaine. Je trouve que c’est raisonnable. Quant à moi, ma journée est partagée entre les réunions de mon conseil scolaire, les travaux ainsi que les rencontres avec les élèves et des fois les parents», explique-t-il.
Une deuxième phase difficile à mettre en place
Cette importante phase a été mise en œuvre avec quelques difficultés. Le ministère, conscient des problématiques liées à l’enseignement en ligne, a envoyé des directives aux conseils scolaires pour mettre en lumière l’état des lieux des équipements des élèves.
«Depuis le 6 avril, on avait la charge d’envoyer un sondage aux élèves pour voir s’ils ont accès à un ordinateur et une connexion Internet, voire une imprimante, indispensable au démarrage de cette phase», indique Alain.
En effet, l’équipement et la connectivité sont le grand défi de la réussite de ce processus. Si Julie a constaté que parmi 21 élèves, un seul n’avait pas accès à Internet, Alain a pu joindre tous ses 24 élèves. Mais les deux enseignants ont affirmé que d’autres se butent encore à ce problème.
Néanmoins, le ministère, se basant sur le sondage des enseignants, a promis d’équiper tous les élèves de la région au besoin. «Depuis ce lundi, les chauffeurs des autobus scolaires, qui connaissent les élèves, devaient faire le tour pour leur donner des Chrome Book. C’est une bonne initiative du ministère», ajoute Alain.
Incohérences et ajustements nécessaires
La situation extraordinaire à laquelle fait face le ministère a précipité le lancement de ce processus. Qui dit précipitation, dit incohérence et ajustements futurs.
«Je trouve que le ministère a une bonne volonté de bien faire les choses, mais il y a eu des incohérences. Des étapes indispensables ont été grillées», lance Alain.
Certains enseignants regrettent le manque de formation qui a accompagné la gestion du lancement de l’enseignement en ligne. «J’avais la chance d’être habitué à ce monde d’enseignement et j’ai anticipé le contact avec mes élèves, d’autres se sentent perdus. Les enseignants ont pris des initiatives personnelles, mais beaucoup ne sont pas formés», enchaîne Alain.
De son côté, Julie se dit bien entourée par son conseil scolaire, mais confie qu’il y a quelques zones d’ombre dans cette approche. Alain explique pour sa part que le ministère devait faire des ajustements pour faire face à l’uniformité des conseils scolaires. De plus, des étapes importantes ont été ignorées, notamment donner le temps nécessaire aux enseignants et aux élèves de se familiariser avec cette phase, ainsi que la communication, selon Alain.
Entre bonne volonté et difficulté
«Je trouve qu’il y a beaucoup de positif dans cette approche. C’est nouveau pour tous. Mais cela ouvre de bonnes perspectives à l’apprentissage», lance Julie.
Un apprentissage qui est nouveau, mais bien en avance par rapport à d’autres provinces. Après la fermeture des écoles, le gouvernement avait mis en place une plateforme d’apprentissage, bonifiée par le processus d’enseignement en ligne, qui a fait des jaloux même chez les voisins du Québec.
Néanmoins, ce processus ne répond pas à tous les défis de l’enseignement et laisse sur la touche une bonne partie des élèves. En effet, les enfants qui ont des besoins particuliers et souffrent de trouble d’apprentissage sont les premiers lésés par ce processus.
«Ces élèves sont des laissés pour compte. Ils n’ont pas accès à toute l’aide nécessaire, et vont se retrouver isolés», fait valoir Alain.
Autre facteur important : l’engagement des parents. Le confinement attribuable à la COVID-19 oblige les parents à passer la journée en télétravail, ce qui pose quelques problèmes dans le suivi de certains élèves. D’autres facteurs s’ajoutent, comme la perte de l’emploi, la violence conjugale, la violence faite aux enfants.
«La promesse du ministère n’est pas réalisable, déplore Alain. Il y a des élèves qui vont passer entre les mailles du filet.»
«On a un devoir d’enseigner, mais aussi d’éduquer, soulève Julie. Je comprends que ce processus ne va pas permettre les deux.»
Cette situation extraordinaire met les enseignants aussi dans une situation stressante.
«Ce n’est pas facile de combiner l’enseignement et s’occuper de ses propres enfants», conclut Julie.