le Mercredi 30 avril 2025
le Vendredi 15 mai 2020 14:34 Actualité

Campobello, la vie entre le Nouveau-Brunswick et le Maine

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Les côtes de Campobello. — Brian Atkinson – Images du Nouveau-Brunswick
Les côtes de Campobello.
Brian Atkinson – Images du Nouveau-Brunswick
FRANCOPRESSE – Au Canada, de nombreuses personnes acceptent de vivre un mode de vie inusité en raison du lieu où ils ont choisi de s’établir. Au cours des prochains mois, Francopresse présentera ces villes et villages qui en séduisent plus d’un. C’est le cas de l’ile néobrunswickoise de Campobello, où être Canadien passe par les États-Unis.
Campobello, la vie entre le Nouveau-Brunswick et le Maine
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Campobello est l’une des trois plus importantes iles du Nouveau-Brunswick, toutes situées dans la baie de Fundy, le long de la côte américaine. À quelques kilomètres au Nord, c’est Deer Island. Une quinzaine de kilomètres au Sud, c’est Grand Manan. Ces deux dernières ont un service de traversier à l’année qui leur permet de gagner la terre ferme canadienne quotidiennement.

Campobello a également un traversier qui la relie à Deer Island, d’où il est possible de se rendre chaque jour au Nouveau-Brunswick continental, mais il n’est en service que trois mois par année. Le reste du temps, la seule option pour les habitants est de traverser le pont qui, depuis 1962, relie l’ile à l’État du Maine, de passer la douane américaine, de rouler 85 kilomètres vers le nord et de franchir une deuxième douane, canadienne cette fois-ci, pour finalement arriver à Saint Stephen, à la limite du sud-ouest du Nouveau-Brunswick.

Et pour revenir à la maison, les résidents de l’ile doivent repasser deux postes de douane et le pont qui porte le nom de Franklin Delano Roosevelt, du nom du président américain qui possédait une résidence d’été à Campobello. D’ailleurs, depuis 1964, celle-ci est ouverte aux visiteurs de la fin mai au début octobre au parc international Roosevelt-Campobello.

Carol Bolt – Wikimedia Commons

Un statut particulier

La vie des quelque 900 résidents permanents de l’ile néobrunswickoise de Campobello est donc déjà compliquée en temps normal. L’arrivée de la pandémie de COVID-19 l’a rendue encore plus laborieuse.

Les résidents peuvent, comme avant, faire leurs achats et leurs affaires du côté américain, mais pour des besoins «essentiels» seulement. Dans leur cas, la notion de ce qui est «essentiel» est sans doute plus large que pour les autres citoyens.

Même chose lorsqu’ils traversent le Maine pour gagner le Nouveau-Brunswick continental : ils peuvent s’arrêter faire le plein ou pour acheter ces biens «essentiels», mais rien d’autre. Pas question de se rendre à Bangor, la plus grande ville de la région, pour magasiner.

Les habitants ont tout de même obtenu un statut particulier, en ce sens qu’ils peuvent sortir de l’ile, que ce soit pour aller faire l’épicerie dans le village américain voisin de Lubec ou se rendre au Nouveau-Brunswick continental sans avoir à se placer en quarantaine lorsqu’ils reviennent chez eux.

J.-F. Bergeron – Images du Nouveau-Brunswick

Les résidents craignent la propagation du virus

John Williamson, député fédéral de la circonscription Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, qui comprend l’ile Campobello, souligne que ce privilège a été obtenu avant la fermeture presque complète de la frontière, grâce aux tractations entre le Canada et les États-Unis.

«Si on avait attendu, ça aurait été un problème énorme. On a bien travaillé ensemble avec le gouvernement canadien et aussi avec le gouvernement de Blaine Higgs au Nouveau-Brunswick pour être surs et certains que les gens de Campobello pourraient traverser l’État du Maine pour revenir chez nous, au Nouveau-Brunswick. C’est difficile pour les familles de Campobello, mais au moins on a une solution qui marche. Ils peuvent passer les deux frontières, faire leurs affaires, retourner chez eux sans être forcés de rester chez eux pendant 14 jours.»

Courtoisie

Certains résidents craignent le risque de propagation du virus que comportent ces allers-retours fréquents et souhaiteraient plutôt que les autorités instaurent un service de traversier permanent et bloquent la frontière américaine.

«Ça nous prend quelque chose tout de suite à cause de l’urgence, racontait récemment le résident Ulysse Robichaud à Radio-Canada. C’est une urgence mondiale, on sent qu’on ne s’occupe pas de nous autres.»

Un débat de longue haleine

L’idée d’un traversier douze mois par année circule depuis quelques années déjà. Un comité voué à la réalisation de ce projet a été formé en 2018 et a réussi à faire financer une étude par le gouvernement fédéral sur la situation.

Dans un premier temps, l’étude a démontré que la communauté a connu une baisse significative de sa population, contrairement aux deux iles voisines de Grand Manan et de Deer Island. Depuis 25 ans, l’ile Campobello compte 30 % moins d’habitants ; l’étude prévoit que, sans traversier permanent, la population chutera encore de moitié d’ici 40 ans.

L’étude souligne aussi qu’il en couterait deux-millions de dollars par année pour opérer le lien. En revanche, l’accès continuel au reste du Nouveau-Brunswick ferait en sorte que plus d’un million de dollars dépensés aux États-Unis iraient plutôt à l’économie néobrunswickoise et canadienne.

André Gallant – Images du Nouveau-Brunswick

La situation actuelle renforce l’ardeur de ceux qui militent pour la réalisation de ce projet.

Ceux-ci ont reçu récemment l’appui du chef provincial du Parti vert, David Coon. «C’est le moment de mettre en place un traversier à longueur d’année entre Campobello et le reste du Canada. Chaque Canadien a le droit d’être relié à son pays et, surtout durant la COVID-19, de pouvoir se procurer les biens essentiels en toute sécurité», a-t-il déclaré dans un tweet.

David Coon a d’ailleurs déposé une pétition en ce sens à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick lorsque celle-ci a brièvement siégé le 17 avril dernier.

Le député fédéral Williamson souhaite également l’élargissement du service de traversier.

«»

Moi, je prends la même position que celle de la municipalité de Campobello, c’est-à-dire qu’on prolonge la saison. On a besoin que ça fonctionne toute l’année, mais dans un premier temps, il faut le faire commencer plus tôt et le faire finir plus tard.

— John Wililamson, député fédéral de Nouveau-Brunswick Sud-Ouest

Selon lui, c’est un dossier qui relève surtout du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

«C’est vraiment une décision provinciale. Je travaille avec l’ile et le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Le fédéral peut aider avec l’infrastructure, mais c’est vraiment la décision de la province.»

Le premier ministre Blaine Higgs a affirmé récemment que le niveau de circulation vers et en provenance de l’ile Campobello ne justifiait pas la venue d’un traversier permanent. La province examine toutefois les moyens de commencer le service plus tôt cette année.

Il a été impossible de joindre le maire de la municipalité de Campobello, Brett Newman.

Marc Poirier

Journaliste

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