L’artiste multidisciplinaire Danielle Sturk a eu le feu vert de Radio-Canada pour développer un projet de série autour de son documentaire El Toro, qui pourrait devenir la première série télé dramatique en français produite dans l’Ouest canadien.
El Toro, c’était ce diner situé au coin de la rue Marion et de la route Dawson, à Saint-Boniface. Ce lieu emblématique où ont travaillé sa mère, ses oncles et ses tantes. Une sorte de Madeleine de Proust pour Danielle Sturk, à l’atmosphère typique qui régnait dans le Saint-Boniface terre à terre des années 1960.
Pour passer du documentaire à la minisérie, les adaptations tant au niveau de la forme que du fond seraient inévitables. Dans son processus d’écriture, les personnages deviendront plus fictifs, moins biographiques. Cependant, Danielle Sturk tient absolument à conserver le cachet et l’ambiance propres à son film : « C’était une période de bouillonnement musical. On ressentait le mouvement féministe et le mouvement de laïcisation. Je veux explorer dans la série comment ces changements ont affecté la francophonie à Winnipeg et cette famille-là. »
Une grande adaptation
Dans le film El Toro, la réalisatrice a recours à plusieurs techniques visuelles différentes : prises de vue réelles, animation en volume, animation 3D et maquettes. De tels éléments pourraient apparaitre dans la minisérie. « Ce sera du live action de la part des comédiens. Mais l’aspect d’animation d’éléments pourrait peut-être s’y greffer. En tout cas, je l’espère. »
Pour elle, s’il fallait garder une chose du film, ce serait la ténacité des propriétaires et les relations qu’ils entretiennent avec leurs clients : « On va retrouver cette chaleur, même à travers les conflits et les épreuves que traverse cette famille. Ils se tiennent ensemble. Ils n’ont pas peur de travailler. Ce n’est pas du snobisme. C’est par fierté du travail. Ils n’ont jamais lâché, même après une faillite et des tragédies familiales.
« Je pense que c’est une affaire de génération. Et puis les relations avec les clients étaient extraordinaires. Certains sont venus au mariage de mes parents. Autant dans le restaurant haut de gamme sur Portage où ils servaient des avocats et des docteurs que dans le diner où ils servaient des camionneurs, des tanneurs, les employés qui puaient l’abattoir, ils avaient le même respect envers chaque client. »
La saveur locale
En acceptant ce nouveau défi, Danielle Sturk nourrit un espoir : celui de mettre Saint-Boniface sur la map. « Je veux faire revivre le Saint-Boniface des années 1960, celui de mes souvenirs d’enfance, avec son français typique. Je trouve ça important de ne pas faire semblant qu’on est au Québec, que toute la clientèle parle un bon français. Je trouve important qu’on ressente la saveur locale. Ça va intéresser le monde, non seulement de Saint-Boniface mais aussi d’ailleurs. Car je vise l’authenticité. »
Danielle Sturk s’occupe de la scénarisation de la potentielle minisérie, sans l’assurance qu’elle sera effectivement produite. Nicole Matiation, directrice générale d’On Screen Manitoba précise qu’il s’agirait bien de la première série dramatique en langue française pour la télévision réalisée dans l’Ouest canadien.
Elle note cependant qu’il existe une série web dramatique Abigaël et le date coaching produite par Far Ouest pour TV5 Unis, en Alberta, ainsi que de multiples séries pour enfants (souvent avec des composantes dramatiques) comme Canot Cocasse, Mission XY, Canada à la carte, et des séries documentaires avec aussi parfois des composantes dramatiques.
Diplômée de l’Université de Winnipeg en théâtre, spécialisation cinéma, Danielle Sturk avait remporté le prix de meilleur projet de fin d’année en 2004 pour son scénario. Peut-être un heureux présage que El Toro finira bien sur notre petit écran.
Les forces de Danielle
Auteure de plusieurs films, scénariste, réalisatrice, Danielle Sturk, 51 ans, a plus qu’un tour dans son sac pour réussir à porter Saint-Boniface sur le petit écran. Confiante, l’artiste peut s’appuyer sur son expérience de réalisatrice et de superviseuse de contenu pour la série pour enfants Canot cocasse.
Ses forces? Son entourage et sa capacité d’adaptation. « Je suis entourée d’alliés autant au niveau des producteurs (Manito Média), qu’au niveau du diffuseur Radio-Canada qui a déclenché cette phase de développement. Ça ne me fait pas trop peur car j’ai tellement envie. Grâce au documentaire, je ne pars pas de zéro.
« C’est juste vraiment le fun de faire pousser quelques graines qui sont des personnages, de les laisser aller et de les voir évoluer… Mon rôle, c’est de driver la vision. Porter le bébé. C’est comme être parent. Il n’est pas question d’abandonner. Tu es porteur de ce projet et tu dois le mener jusqu’à son indépendance. »