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le Mardi 30 juin 2020 11:55 Arts et culture

L’art de faire réfléchir avec l’artiste conceptuel Laurent Vaillancourt

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<em>Cent bornes</em> no 69. — Courtoisie Laurent Vaillancourt
Cent bornes no 69.
Courtoisie Laurent Vaillancourt
Les arts visuels en Ontario français sont principalement associés à la peinture et à la sculpture. C’est en partie pourquoi l’art conceptuel de Laurent Vaillancourt surprend, d’autant plus que l’artiste choisit de s’exprimer en milieu géographiquement isolé.
L’art de faire réfléchir avec l’artiste conceptuel Laurent Vaillancourt
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À 65 ans, Laurent Vaillancourt a passé toute sa vie à Hearst. «Son œuvre témoigne qu’un artiste peut non seulement s’établir dans le Nord, mais aussi s’y renouveler et, de façon plus significative, s’inscrire dans les grands courants de l’art actuel pour produire une œuvre pertinente, en phase avec son temps.»

Voilà ce qu’affirme Gabrielle-Louise Noël dans son mémoire de maitrise présenté à l’Université York et intitulé Laurent Vaillancourt, a Contemporary Francophone Artist in a Changing Ontario. Il a servi pour créer le catalogue Laurent L. Vaillancourt – À la confluence de l’art conceptuel et d’un nouvel Ontario (BRAVO, avril 2020).

L’autrice précise que Vaillancourt est probablement «le premier artiste conceptuel franco-ontarien majeur. Il juxtapose les discours sur l’art, les courants artistiques et les commentaires sur la société actuelle, en les mêlant aux enjeux mondiaux de l’heure».

Courtoisie

Cent bornes

L’artiste de Hearst avoue avoir un parti pris pour l’approche multidisciplinaire, voire participative. «J’aime proposer aux spectateurs un road trip d’éléments visuels finement orchestrés», indique Laurent Vaillancourt. Ses «sacs à indices» en sont un bel exemple dans le projet Cent bornes.

«J’ai documenté un tronçon de la route 11 entre Hearst et Smooth Rock Falls, exactement 100 milles. J’ai planté autant de bornes, photographié le panorama et cueilli des objets abandonnés ou oubliés qui furent placés dans mes fameux sacs à indices.»

Ces sacs, en partie ou en totalité, ont été exposés à Kapuskasing, Hearst et Timmins. Il y a aussi eu l’album Cent bornes (Prise de parole, 1995) avec des textes du poète-dramaturge Michel Ouellette, originaire de Smooth Rock Falls.

Courtoisie

Tournée mondiale en Ontario

Plusieurs villes internationales ont leur homonyme en Ontario. Ce fait a inspiré Laurent Vaillancourt à concevoir Sphères – Tournée mondiale en Ontario (2002). Il a parcouru plus de 3 000 km et 19 communautés ontariennes telles que Florence, Paris, Dublin, Athens, Melbourne, Hanover et Alexandria.

«À chaque endroit, je me suis emparé d’un câble d’acier — référence à l’industrie ontarienne — et j’ai créé une sphère d’environ 50 centimètres. J’ai discuté, en français et en anglais, avec la communauté du symbole que cette sphère véhiculait à mes yeux. Du coup, je l’ai initiée à l’art conceptuel et à la performance.»

Selon Gabrielle-Louise Noël, «Sphères montre qu’on ne nuit pas à sa propre culture en interagissant avec une culture dominante, contrairement à ce qu’on pourrait croire, mais que les contacts sont en revanche importants pour permettre à chaque groupe culturel de s’affirmer.»

Courtoisie Laurent Vaillancourt

Minutes de vie

Le bilinguisme fait partie intégrante de l’identité franco-ontarienne et Laurent Vaillancourt a cherché à refléter cette réalité dans l’exposition Minutes de vie – Small Things of Life. Chaque objet exposé porte un titre qui a une signification différente en français et en anglais.

En utilisant des matrices de lentilles, il a créé 60 coquilles dans lesquelles furent insérés de minuscules objets trouvés dans la maison familiale. Souvenirs d’enfance ou évocations d’une époque révolue, ils incluaient un dé à coudre, une lame de rasoir, des crayons, un bout de film, un porteclé, etc.

Courtoisie Laurent Vaillancourt

Le titre Lame, explique l’artiste, «réfère à une bande plate qui coupe, en français, alors que c’est l’incapacité de faire certains mouvements, en anglais. C’est donc tout à fait différent, mais en même temps une lame peut rendre lame!»

L’exposition fut présentée à Sudbury, Hearst et Toronto. Selon Gabrielle-Louise Noël, l’artiste rappelle que son geste réside «dans la création d’une relation nouvelle entre le signe et ses parties (signifiant et signifié) et aussi entre le spectateur et l’œuvre d’art».

Toponymie, étymologie et géométrie chatouillent l’imagination de Vaillancourt et guident ses recherches. «J’aime faire réfléchir. Je crois que c’est mon rôle en tant qu’artiste, pas juste du beau.»