À la mi-décembre, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Jean Johnson, a rencontré la ministre responsable des langues officielles au sein du gouvernement canadien, Mélanie Joly. Selon le président, ce fut «une belle rencontre». Il a évidemment été question de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Même si le gouvernement libéral est maintenant minoritaire, il n’est pas question pour lui de reculer sur ce point. L’engagement fait avant les dernières élections est maintenu.

Porte-étendard de la cause des Franco-Canadiens, la FCFA, en concertation avec d’autres organismes comme la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) ou encore l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), souhaite être partie prenante du processus de modernisation. Jean Johnson a même demandé à la ministre Joly que la FCFA soit corédactrice de la nouvelle version de la LLO. «La ministre a été surprise par notre demande», admet M. Johnson. Pourquoi une telle demande somme toute assez inhabituelle? «Parce qu’on ne veut pas disparaitre dans tout ce projet. On est incontournable!»
Même son de cloche du côté de la FJCF. Sa présidente, Sue Duguay, est d’avis que la modernisation de la loi permettra à celle-ci d’avoir plus de chair autour de l’os. Les organismes s’entendent tous pour dire qu’ils souhaitent la création d’une agence centrale, voire un tribunal administratif qui serait responsable des plaintes et émettrait des sanctions. Quand il y a une contravention à la LLO, «on n’est pas pénalisé», rappelle Mme Duguay.

Il faut le bâton
Mais ce n’est pas déjà ce que fait le commissaire aux langues officielles, recevoir des plaintes? «Le commissaire est dans la médiation», d’après Carol Jolin, président de l’AFO. Ce qu’il faut «c’est le bâton», qui serait associé avec ce tribunal. De plus, selon Jean Johnson, il faut absolument que «la mise en œuvre de la LLO soit sous la gouverne du Conseil du Trésor». Les pénalités imposées aux fautifs seraient ainsi redistribuées pour la défense des langues officielles.
Du côté du bureau de la ministre Joly, on se garde bien de donner des échéances précises quant au calendrier de cette modernisation. On reste également silencieux concernant les demandes de la FCFA par rapport à une possible aide à la rédaction de la LLO. Tout ce que peut dire l’attaché de presse de la ministre, Alexander Cohen, «c’est que le mandat de la ministre de moderniser la Loi sur les Langues officielles a été confirmé par le premier ministre dans sa lettre de mandat à la ministre Joly.»
Dans celle-ci, face à cette modernisation, Justin Trudeau demande notamment à sa ministre de protéger «le rôle de CBC/Radio-Canada, qui consiste à mieux refléter la dualité linguistique du Canada et les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays.» D’autre part, il lui demande de veiller «à ce qu’Air Canada offre des services entièrement bilingues à ses clients». Il souhaite également qu’elle examine et renforce «les pouvoirs du commissaire aux langues officielles».
Moderniser pour mieux exister
N’allez pas dire à ceux et celles qui défendent le français que la modernisation de la LLO n’est peut-être pas si urgente que ça. Jean Johnson se désole de constater que «la question du bilinguisme pour un chef de parti au Canada» soit encore d’actualité. «Les communautés seront affectées en bien ou en mal par cette modernisation de la LLO», assure M. Johnson si celles-ci ne s’en mêlent pas.
Cette modernisation, qui va de pair avec une stratégie sur la sécurité linguistique, qui sera dévoilée en mars par la FJCF, assurera aux futures générations «le droit d’avoir des services dans l’une ou l’autre des langues officielles», affirme de manière convaincue Sue Duguay. Mais encore faut-il que ces droits soient améliorés.
Carol Jolin donne un exemple concret. Que vous soyez à Vancouver, Halifax, Toronto ou Calgary, attendant patiemment votre avion, vous avez le droit de commander votre café en français chez Tim Horton ou Second Cup. Selon des informations échangées avec l’aéroport international Montréal-Trudeau, «la Loi sur les langues officielles prévoit effectivement que les services offerts aux voyageurs au Canada soient offerts dans les deux langues officielles», même dans un établissement privé. Le bureau du Commissaire aux langues officielles conforme effectivement la chose. «Tous les aéroports canadiens qui accueillent plus d’un million de passagers par année ont l’obligation d’offrir des services au public dans les deux langues officielles. Ces obligations permettent au public d’avoir accès à certains commerçants offrant des services considérés essentiels tels que : le service de conversion de devises, le service de location de voitures, les restaurants et cafés, le stationnement et le bureau d’information.» Mais qui le sait? Et cette règle est-elle vraiment respectée?
La modernisation de la LLO devrait mettre les pendules à l’heure pour ce genre de situation. Pour autant que cette nouvelle mouture ait «un mécanisme d’imputabilité, que la communauté soit impliquée et que le Conseil du Trésor soit plus efficace» dans la mise en œuvre de l’esprit de la loi de conclure Carol Jolin.