le Lundi 20 mars 2023

Qui dit nouveau pays dit nouvelle alimentation. À leur arrivée au Canada, les immigrants doivent s’adapter au marché local et parfois changer leurs habitudes alimentaires.

À Toronto, il n’est pas difficile d’acheter des denrées venant du monde entier, témoigne Jean-Marie Nzoro Munoko, gestionnaire des Services aux nouveaux arrivants au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT).

«On trouve des épiceries exotiques où on peut acheter du plantain […] des magasins de Camerounais, de Congolais, de Burundais.» Les rayons de certains grands magasins aussi proposent des produits des quatre coins du monde.

À la ville et à la campagne

Marc-Alexandre Lagacy est animateur culturel au programme de Communauté francophone accueillante (CFA) de Clare, en Nouvelle-Écosse. 

Photo : Courtoisie

À l’extérieur des grandes villes, le choix n’est cependant pas le même.

Marc-Alexandre Lagacy, animateur culturel au programme de Communauté francophone accueillante (CFA) de Clare, en Nouvelle-Écosse, l’a bien remarqué.

«Ici, c’est une petite région rurale. Halifax est à environ trois heures de drive. […] C’est quand même assez difficile pour les nouveaux arrivants de trouver des produits qu’ils pourraient avoir dans les grands centres. C’est probablement le plus gros défi dans la région.»

Néanmoins, l’animateur évoque rarement le sujet avec les principaux intéressés. «Je n’ai jamais vraiment eu de conversation avec de nouveaux arrivants qui trouvaient ça difficile, remarque-t-il. Il y a certainement une période d’adaptation, mais je crois que les personnes se rassemblent entre elles et font des repas.»

La CFA essaie aussi d’organiser des repas traditionnels chaque mois, selon les pays d’origine des nouveaux résidents. Des excursions vers Halifax sont également organisées, notamment par l’Université Sainte-Anne.

«Les épiceries dans la région sont quand même assez ouvertes à acheter de la nourriture ou des produits de différents pays. Si elles ont assez de demandes, elles vont quand même faire un effort», assure Marc-Alexandre Lagacy.

«Dans les milieux ruraux […], on voit quand même une belle évolution », confirme Marianne Lefebvre, nutritionniste, conférencière et consultante spécialisée en nutrition internationale.

Jean-Marie Nzoro Munoko, gestionnaire des Services aux nouveaux arrivants au Centre francophone du Grand Toronto. 

Photo : Courtoisie

Elle assure que «d’une part, les grandes surfaces font de plus en plus de place dans leurs étals pour les produits ethniques, et d’autre part il y a de plus en plus de gens qui vont opter pour la transformation, la commercialisation de certains produits de leurs pays d’origine. On a de plus en plus de producteurs agroalimentaires issus de la diversité.»

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Adaptation et inflation

Se procurer des produits d’ailleurs reste donc possible, mais à quel prix?

«La vie est devenue trop chère, donc la marge de manœuvre est très étroite, constate Jean-Marie Nzoro Munoko. Il y a beaucoup d’inquiétudes […] Alors, nous on essaie d’aller trouver des ressources qui sont beaucoup moins chères.»

Le CFGT a établi des listes de magasins et de banques alimentaires qui s’adressent aux nouveaux arrivants. Il propose également des bons alimentaires aux familles les plus démunies. «On communique sur la façon d’essayer d’acheter à meilleur prix», ajoute le gestionnaire. Le CFGT indique les dates des soldes par exemple.

Marianne Lefebvre est nutritionniste, conférencière et consultante spécialisée en nutrition internationale. 

Photo : Claudia Dumontier

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Jean-Marie Nzoro Munoko réfléchit par ailleurs à mettre à jour un guide, «un inventaire de magasins exotiques et de toutes les nationalités qui se trouvent à Toronto, avec l’adresse du magasin, le numéro de téléphone et qu’est-ce qu’ils vendent. Je pense que c’est une ressource qui va aider la communauté.»

Manger sain ou économique

Il reste que, pour alléger le portemonnaie, certains consommateurs vont se tourner vers les produits les plus abordables, pas forcément les plus sains.

Comme le souligne Marianne Lefebvre, au Canada, les denrées ultratransformées, très riches en sucre, en sel et en gras, sont souvent les moins couteuses. «Deux litres de boisson gazeuse sont parfois moins chers que deux litres de lait.»

Souvent, les gens vont opter pour des aliments de moins bonne qualité plutôt que des denrées non transformées qu’ils avaient l’habitude de consommer plus quotidiennement dans leur pays, parce que c’est le plus accessible.

— Marianne Lefebvre, nutritionniste

Mais ce type de régime peut mener à des problèmes de santé, comme le diabète, des maladies cardiovasculaires ou des maladies chroniques, détaille la spécialiste. «La consommation d’aliments ultratransformés est aussi directement en lien avec un déclin de la santé mentale.»

Marianne Lefebvre

Photo : Claudia Dumontier

 

L’effet de l’immigrant en bonne santé

«L’effet de l’immigrant en santé, c’est le fait que l’immigrant moyen arrive au Canada avec un excellent état de santé», explique Marianne Lefebvre.

Néanmoins, «cet avantage en matière de santé diminue avec le temps», observe Statistique Canada dans ses rapports sur la santé.

Les causes? «Les raisons de la dégradation de l’état de santé varient énormément d’une culture à l’autre, du statut d’immigration. […] Les gens sont beaucoup plus sédentaires ici, notamment à cause du climat plus froid», analyse Marianne Lefebvre.

«Les enjeux vont beaucoup varier selon le type d’immigration», ajoute Marianne Lefebvre. Ils ne seront pas les mêmes pour un réfugié ou une personne issue de «l’immigration économique», souligne-t-elle.

De même, les préoccupations d’immigrants venant de pays occidentalisés seront différentes de ceux originaires d’un pays en développement, selon la spécialiste.

À lire aussi : Immigration : comment faire communauté?

Conjuguer les cultures

Mais immigration ne veut pas forcément dire acculturation.

«Quand on quitte un pays, on laisse derrière nous tellement de choses de notre culture. Mais la culture alimentaire, c’est quelque chose qu’on peut trainer avec nous et qu’on peut aussi partager», est d’avis Marianne Lefebvre.

 

Les personnes sont vraiment très attachées à leur culture, donc elles essaient de conserver leur héritage. Même sur le plan alimentaire.

— Jean-Marie Nzoro Munoko

Mais alors, comment trouver une diète équilibrée sans renier ses origines? Pour la nutritionniste, une partie de la solution réside dans le mélange des cultures. Autrement dit, garder ses coutumes tout en y intégrant des composantes de la culture locale canadienne.

«Prendre le meilleur des deux mondes […] essayer que notre double culture se reflète également dans l’alimentation», résume-t-elle.

Produits de substitution

«Souvent, les gens vont me dire “moi je mange exactement de la même façon que dans mon pays d’origine et je prends du poids”. Ça, je l’entends énormément, se désole-t-elle. Étant donné que l’environnement des gens a changé, il doit y avoir un changement également au niveau des habitudes alimentaires.»

Marianne Lefebvre conseille aussi de consommer des produits de substitution. «Au lieu de remplacer la banane plantain par du riz instantané ou par des pâtes alimentaires, je vais leur suggérer des céréales locales, comme l’orge.»

Ainsi, rien ne se perd, tout s’adapte.

Plus sur la francophonie

Plusieurs organismes déplorent le manque d’information quant à la reconduction du financement à chaque fin de chaque cycle de cinq ans du Plan d’action pour les langues officielles. Pour certains organismes, la poursuite de leurs activités régulières est remise en question alors que d’autres doivent abolir des postes.

En cause : le manque de communication du gouvernement fédéral autour des sommes disponibles pour ces organismes, inscrites dans le Plan d’action pour les langues officielles. Ces sommes découlent du Budget fédéral, dévoilé habituellement fin mars ; soit à la fin de l’année financière.

Un «problème systémique identifié depuis longtemps», estime la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), mais qui met les organismes dans un embarras chronique à la veille de l’ adoption de chaque nouveau Plan, tous les cinq ans.

À lire aussi : Langues officielles : les organismes francophones mis à genoux à chaque Plan d’action

Nomination d’un rapporteur spécial sur les ingérences étrangères et de nouvelles villes accueillantes pour les demandeurs d’asile

Pas si indépendant que ça, selon le Bloc québécois et les conservateurs, qui ont critiqué le choix du premier ministre dès l’annonce du Cabinet par communiqué, mercredi.

David Johnston a été nommé rapporteur spécial indépendant par Justin Trudeau mercredi. Il est notamment chargé de déterminer si une enquête publique aura lieu ou non sur les ingérences étrangères dans les élections fédérales.

Photo : Creative Commons CC BY 2.0

David Johnston devra déterminer, entre autres, si une enquête publique sur les ingérences étrangères lors des élections fédérales de 2019 et de 2021 est nécessaire. Cette enquête est réclamée par le NPD, les conservateurs et le Bloc québécois.

Le gouvernement du Canada affirme qu’il suivra ses recommandations, «qui pourraient comprendre une enquête officielle, une révision judiciaire ou un autre processus d’examen indépendant, et les mettra en œuvre», peut-on lire dans le communiqué.

«Sans juger des états de service de M. Johnston, on ne peut que constater que Justin Trudeau s’entête à ne pas déclencher maintenant l’enquête publique et indépendante que tout le monde réclame, a fait savoir par courriel Yves-François Blanchet, chef du Bloc. Il n’est pas question d’utiliser le mandat du rapporteur spécial dont on ne connait pas encore les détails ni la durée, pour garder le Parlement et la population dans l’ignorance.»

David Johnston a été gouverneur général du Canada de 2010 à 2017. Des clichés de lui en compagnie du président chinois Xi Jinping ont alimenté les critiques déjà abondantes.

En outre, le comportement actuel des membres libéraux du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre n’amoindrit pas la frustration de l’opposition, qui tente de convoquer la cheffe de cabinet de Justin Trudeau, Katie Tellford, au Comité.

Le Forum des ministres responsables de l’immigration (FMRI), réuni à Halifax le 10 mars dernier, a mis de l’avant deux points cruciaux. D’une part, que l’accueil des demandeurs d’asile, notamment ceux qui arrivent par les «voies irrégulières», se fasse au sein de villes en dehors du Québec.

Sean Fraser, ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, identifiera prochainement plusieurs villes hors Québec pouvant accueillir les demandeurs d’asile.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

«Je n’ai pas de liste exhaustive à communiquer, mais oui, nous identifions d’autres villes […], mais j’espère que cette liste s’étendra à d’autres que celles qui accueillent déjà des demandeurs d’asile en ce moment», a répondu le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Sean Fraser, lors de la conférence de presse à l’issue du Forum.

D’autre part, pour réaliser cela, le ministre a mis de l’avant la participation accrue des provinces et des territoires à la sélection des immigrants économiques et à l’augmentation des affectations aux programmes de candidats des provinces (PCP) et des territoires.

En début d’année, le fédéral avait été interpelé pour communiquer davantage avec les villes hors Québec vers lesquelles les nouveaux arrivants étaient redirigés.

À lire aussi : Demandeurs d’asile : le fédéral prié de mieux communiquer avec les villes (Le Droit) 

Le ministre Fraser a ajouté que les États-Unis feront partie des discussions pour gérer la frontière canado-américaine. Un sujet qui sera certainement abordé avec le président américain Joe Biden lors de sa visite au Canada les 23 et 24 mars.

À long terme, Sean Fraser a précisé que «l’immigration irrégulière exige que l’on renforce la capacité [d’accueil des immigrants, NDLR] et que nous étendions les voies d’immigration régulières au Canada».

Le Forum du 10 mars a réuni le ministre fédéral Sean Fraser, ainsi que les ministres provinciaux de l’Immigration du Nouveau-Brunswick Arlene Dunn, de Terre-Neuve-et-Labrador Gerry Byrne et de la Nouvelle-Écosse Jill Balser.

Le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault et son homologue albertaine Sonya Savage continuent de collaborer après une fuite au gisement de Kearl, exploité par la compagnie pétrolière Imperial Oil, qui a eu lieu il y a près de deux semaines.

Un communiqué provincial précise qu’en date du 14 mars, l’Alberta n’a vu «aucune preuve de contamination des voies navigables, des plans d’eau ou de l’eau potable à la suite des incidents faisant l’objet de l’enquête».

La province poursuivra les tests et la surveillance et communiquera les résultats à Ottawa. Le ministre Guilbeault a accepté de faire de même en partageant avec la province tous les résultats des tests effectués par le gouvernement fédéral.

Avouons-le : il fallait faire preuve de témérité et être un peu fou pour explorer des eaux glacées, à des températures horriblement basses dans un dédale d’iles inconnues pour trouver une voie depuis l’Atlantique vers le Pacifique et les Indes orientales, but ultime de cette quête.

Premières escapades européennes

Cinq-cents ans avant les voyages de Christophe Colomb, les Vikings se sont aventurés dans les eaux marquant le début du Passage du Nord-Ouest. Les archéologues ont trouvé des traces de leur séjour sur l’ile de Baffin et l’ile d’Ellesmere, où les vestiges d’un navire viking échoué ont été découverts.

Pour l’époque, atteindre Ellesmere était tout un exploit. Il s’agit de l’ile la plus au nord du Canada. Sa pointe nord-est n’est qu’à 26 kilomètres du nord-ouest du Groenland.

Le planisphère de Cantino est considéré comme étant la plus ancienne et l’une des plus importantes cartes de «l’âge des découvertes». D’un auteur inconnu, elle date du début du XVIe siècle.

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Mais délaissons le Nord quelque peu et parlons du Sud, car il y a un lien assez direct entre les expéditions européennes en Amérique du Sud — et centrale — et les explorations dans les eaux arctiques.

Comme on le sait, lorsque Christophe Colomb débarque sur une ile des Bahamas le 12 octobre 1792, il pense avoir atteint les Indes. Quelques années plus tard, d’autres explorateurs et Colomb lui-même se rendront compte qu’ils ont atteint un tout autre continent.

Le détroit d’Arán, tel qu’imaginé par certains cartographes.

Photo : Carte de Guillaume Sanson, 1687, Wikimedia Commons, domaine public

Mais il a fallu encore quelques années pour déterminer si l’Amérique du Nord et du Sud formait un seul continent ou si un détroit les séparait. Vient alors le mythe du détroit d’Anián.

Des explorateurs et des cartographes ont imaginé (le mot est faible) qu’un long (très très long) détroit servait de trait d’union entre les océans Atlantique et Pacifique à travers l’Amérique du Nord. L’une des hypothèses voulait que le détroit d’Anián relie le golfe de Californie et celui du Saint-Laurent.

Imaginons un instant quelle aurait pu être la devise du pays traversé par ce détroit au long cours : «D’un golfe à l’autre»! Mais on s’égare.

Ce mythe perdurera quand même tout au long du XVIIIe siècle et motivera la quête d’un lien maritime entre les deux océans.

Jean Cabot et les autres

L’explorateur Jean Cabot — Giovanni Caboto de son vrai nom — avait bien avant imaginé qu’il était possible d’atteindre la Chine en passant au nord du continent américain.

En 1497, il gagne les côtes de l’ile de Terre-Neuve et du Labrador. Certains pensent que cette terre est la Chine. Mais le Passage du Nord-Ouest échappe à Cabot. Il remet ça l’année suivante ; hélas, sa flotte disparait en mer.

Jean Cabot, peint ici en vêtements vénitiens traditionnels.

Photo : Giustino Menescardi, 1762, Wikimedia Commons, domaine public

On est un peu dans la brume aussi pour ce qui est des voyages de son fils, Sébastien Cabot. Suivant les traces (maritimes) et le rêve d’un Passage du Nord-Ouest, de son père, Cabot fils aurait navigué le long du Labrador, traversé le détroit d’Hudson et même atteint la baie d’Hudson avant de rebrousser chemin.

Les explorateurs français Jacques Cartier et Samuel de Champlain croiront pouvoir trouver ce passage plus au sud en explorant le fleuve Saint-Laurent. Là encore, un rêve inassouvi.

Entretemps, la Grande-Bretagne avait repris le flambeau de l’exploration des eaux arctiques. En 1576, Martin Frobisher se rend jusqu’à la Terre de Baffin (plus grande ile du Canada, partie du Nunavut) et pénètre dans ce qu’il croit être un détroit, mais qui s’avèrera être une baie, qui porte aujourd’hui son nom.

Peu après, son compatriote John Davis se butera lui aussi, par trois fois, à la Terre de Baffin.

Au début du XVIIe siècle, l’explorateur anglais Henry Hudson pousse le rêve un peu plus loin. Il atteint la grande baie à laquelle il donnera son nom. Mais, victime d’une mutinerie, il est abandonné dans un canot avec son fils et sept membres d’équipage. Il sera établi plus tard qu’il s’avère impossible d’atteindre le Pacifique en empruntant le détroit et le nord de la baie d’Hudson.

Trois survivants de cette expédition participeront à d’autres tentatives qui, même si elles n’aboutissent pas, orienteront les explorateurs suivants vers la bonne route, soit au nord de la Terre de Baffin.

Près de deux siècles s’écouleront avant que d’autres ne se lancent dans cette aventure.

En 1845 et 1846, John Franklin et ses 133 marins à bord de deux navires vont plus loin que tous leurs prédécesseurs : ils contournent la Terre de Baffin, piquent vers le sud, mais restent emprisonnés dans les glaces près de l’ile du Roi-Guillaume. Personne ne survivra.

Peinture de John Everett Millais montrant un vieux marin désabusé et sa fille lisant un journal de bord. L’œuvre représente la frustration britannique après plusieurs échecs pour trouver cette voie maritime.

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

L’aboutissement de siècles d’efforts

Finalement, en 1854, Robert McLure est le premier à franchir le passage d’ouest en est sur mer, mais aussi en partie sur la glace.

Malgré tous ces efforts, toutes ces pertes de vie lors d’expéditions britanniques, ce sera un Norvégien, le célèbre explorateur Roald Amundsen (qui sera d’ailleurs le premier, cinq ans plus tard, à atteindre le pôle Sud), qui parviendra à franchir complètement le Passage du Nord-Ouest par la mer, et cette fois de l’ouest vers l’est 1450 kilomètres.

L’une des raisons de son succès : sa goélette. La Gjøa était un petit navire, ce qui fait qu’elle a réussi à naviguer dans des eaux peu profondes.

Comme les nombreuses autres expéditions qui l’ont précédée, celle d’Amundsen a été atroce. L’équipage a failli y laisser sa peau à plusieurs reprises.

Équipage de la Gjøa au lendemain de son arrivée à Nome, en Alaska. Amundsen se trouve devant, à gauche.

Photo : Frank N. Powel, Wikimedia Commons, domaine public

C’est sur cette petite goélette qu’Amundsen et ses hommes ont réussi à franchir le Passage du Nord-Ouest.

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Arrivé en eau libre, Amundsen écrira d’ailleurs dans son journal : «Le passage du Nord-Ouest est ouvert. Mon rêve d’enfance vient de se réaliser à ce moment. Une étrange sensation me prend à la gorge. Je suis surmené et à bout — c’est une faiblesse —, mais je sens les larmes me monter aux yeux.»

De nos jours, le Passage du Nord-Ouest est de plus en plus facilement navigable, résultat des changements climatiques. Il ouvre la voie à une course à l’exploitation controversée des richesses naturelles de l’Arctique et il ravive les questions de souveraineté de ces eaux.

Le rêve pourrait encore se transformer en cauchemar.

Pour l’année 2023, les Rendez-vous de la Francophonie prennent pour thème «Célébrations». La Journée internationale de la Francophonie porte quant à elle sur «321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels».

Certes, de telles occasions de souligner ce qui nous unit auront tendance à s’ouvrir à de multiples interprétations. Toutefois, on peut se demander ce qui est rassemblé par des slogans aussi vastes et au contenu aussi vague.

Ce caractère vague vient peut-être de l’attention qu’on porte à la langue, alors que celle-ci se rattache à tant de situations personnelles et collectives.

Il en va tout autant de la diversité rattachée à la langue et à la francophonie canadienne comme internationale : prise comme valeur, elle se trouve derrière la promotion de la «richesse» et de la variété des contenus et produits culturels de la francophonie.

La diversité comme rideau

Cette diversité a-t-elle un contenu réel? Il existe tant de caractéristiques qui nous distinguent et servent à nous rassembler que célébrer la diversité revient simplement à constater un fait.

Il est tout à fait louable de refuser de définir un groupe par une seule caractéristique ou en relation à une seule norme. On sait toutefois que le mot «diversité» a plutôt tendance à être utilisé comme euphémisme pour parler de diversité culturelle.

Valoriser cette diversité en soi a l’effet de nous détourner des revendications des personnes qui sont reléguées à la diversité (elles en sont «issues») et ainsi montrées comme différentes du groupe majoritaire.

Leurs revendications incluent plutôt la fin des discriminations, l’accès aux emplois et aux postes de prise de décisions et, dans le cas des personnes immigrantes, la capacité à retrouver leur famille plus aisément.

Or trop souvent, la célébration de la diversité est un engagement vague, une idole faite pour meubler les discours, mais trop souvent tenue à distance des actions réelles. La diversité est gérée : on la célèbre, on sensibilise la majorité et on éduque cette dernière – mais les frontières sont maintenues.

Les origines de la Francophonie

Une véritable défense de la diversité des expériences francophones viserait plutôt à démonter les obstacles et défaire les hiérarchies. Nous aurions alors la chance de célébrer ensemble des transformations, des accomplissements, et ainsi maintenir les liens créés dans ces projets communs et solidifier une ouverture à l’autre déjà éprouvée dans des projets communs.

Célébrer, sensibiliser et éduquer ne pourront pas suffire : les limites à une Francophonie sont structurelles et héritées de sa construction.

Lors de sa création, l’ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) répondait à la désagrégation de l’Empire français dans la foulée des indépendances des anciennes colonies.

Les ex-colonies visaient à établir une collaboration culturelle et technique pour s’appuyer dans leur développement. Tandis que la France s’opposait d’abord à cette nouvelle union, elle a rapidement décidé d’y prendre une place pour l’orienter à ses propres fins : conserver l’Afrique.

L’OIF sert ainsi de vecteur pour étendre l’influence française (ou encore canadienne) et pour assurer l’accès aux marchés africains, rôle au moins aussi important que celui de contrepouvoir et d’aide mutuelle.

Cette domination extérieure passe notamment par les politiques néocoloniales qui se déploient dans la Françafrique, cet ensemble de pays où la France tente de maintenir le contrôle nécessaire au fonctionnement économique de multinationales françaises.

La francophonie canadienne, quant à elle, s’est bâtie d’une part sur une politique menée par l’Église catholique, où la langue était entremêlée à la religion, aux origines ethniques et à un projet de colonisation par l’agriculture.

D’autre part, elle repose sur une politique d’immigration canadienne qui a longtemps empêché l’arrivée de francophones non blancs. Cette francophonie est par conséquent fortement balisée, comprise en relation à des frontières nationales et religieuses.

Ces structures sont en changement, certes, mais elles ne se déferont pas du jour au lendemain – et surtout pas dans l’ignorance de leur pérennité.

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La Francophonie, un terrain pour l’internationalisme

L’idéal internationaliste est une manière de contrer ces définitions nationales et frontalières de la francophonie, et de donner à celle-ci un contenu engageant.

On trouve cet idéal dans l’engagement de la militante et philosophe communiste Rosa Luxemburg.

Son refus de la politique belliciste à l’aube de la Première Guerre mondiale montrait comment la mise en avant des différences nationales servait à empêcher une transformation du régime économique tout en permettant le maintien des visées impériales.

À la solidarité que les dominants maintenaient entre eux, elle opposait la solidarité possible des classes ouvrières de tous les pays, qui pourraient ensemble transformer les structures économiques qui favorisaient leur exploitation.

Une autre version de cet idéal se trouve dans le panafricanisme, un mouvement social et politique ainsi que culturel et intellectuel qui rassemble les personnes africaines et afro-descendantes dans un projet où les frontières s’estompent.

Il peut s’agir tant d’unir les pays d’Afrique que de créer des réseaux qui permettent de lutter pour se libérer des séquelles de l’esclavage et du colonialisme et de participer aux institutions communes ainsi transformées.

Au Canada, dans un contexte colonial différent, l’internationalisme passe d’abord par une reconnaissance de l’implantation coloniale de la francophonie, puis celle des distinctions nationales et de l’autodétermination des peuples autochtones. De là, une position non paternaliste de solidarité et de collaboration devient possible.

S’inspirer de l’internationalisme

Ces visions internationalistes combinent la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme, mais ont également en commun l’idée que les frontières nationales servent avant tout à diviser pour mieux régner.

L’internationalisme peut nous inspirer dans la création de réseaux, dans la transformation de nos organismes, mais également dans notre manière de mettre en valeur la langue française.

Il ne s’agit pas de lui attribuer une valeur en soi, de l’ériger en vecteur de survie de certaines cultures, mais plutôt de créer de nouveaux liens, à l’encontre de ces liens qui existent entre ceux qui maintiennent la domination entre les pays et au sein des communautés.

Le 15 mars, Francopresse est devenu le premier partenaire francophone au Canada à obtenir la Marque Trust de l’organisme The Trust Project, un consortium international d’organismes de presse qui fait la promotion des normes de transparence en journalisme. L’objectif est de permettre au public de faire des choix éclairés en matière d’information.

En d’autres termes, les politiques d’information de Francopresse ont été évaluées par un comité de pairs confirmant que notre média respecte les huit indicateurs de confiance [en anglais seulement] établis comme des normes mondiales de transparence. Ces indicateurs permettent au public de savoir ce qui se trouve derrière un article d’actualité, une analyse ou une chronique.

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Vous avez le droit de savoir

Nous avons tous vu apparaitre dans nos circuits, bien malgré nous, des informations non vérifiées, des nouvelles incomplètes ou encore mal interprétées, de la réappropriation de textes ou encore des nouvelles modifiées. À un point tel que même les lecteurs les plus aguerris peuvent se faire prendre au piège.

De manière générale, les journalistes respectent un code de déontologie et les politiques d’information de leur média. Ce qui, depuis fort longtemps, confirme leur engagement envers une offre d’information rigoureuse et de qualité. Mais, toutes ces mesures n’ont pas empêché la désinformation de prendre plus de place.

Il fallait donc prendre les grands moyens!

Vous avez le droit de savoir ce que vous lisez. Est-ce un publireportage, un article, une chronique? Vous avez aussi le droit de savoir ce que ces termes signifient. Vous avez le droit de savoir si vous avez affaire à du contenu d’opinion, du contenu commandité ou du contenu journalistique. Vous avez aussi le droit de savoir qui a écrit une nouvelle, pour quelles raisons un texte a été publié et quelle a été la démarche de production.

Pour lutter contre la désinformation, nous nous devons plus que jamais d’être transparents.

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Partout dans le monde plus de 250 médias sont partenaires de Trust Projec. Ils se conforment aux huit indicateurs de confiance et appliquent la Marque Trust.

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Et les journaux membres de Réseau.Presse dans tout ça?

Francopresse est unique. Il œuvre en complémentarité et en étroite collaboration avec un réseau de journaux locaux qui desservent les populations francophones en situation minoritaire dans huit provinces et trois territoires.  

Malgré leur enracinement profond et leur proximité avec leurs communautés respectives, ces journaux ont fait face à l’adversité et ont dû déployer des efforts additionnels pour se faire reconnaitre comme des médias à part entière et non des courroies de transmission. En 2017, tous les journaux membres de Réseau.Presse ont unanimement adopté la Charte de la presse francophone en situation minoritaire. Un texte qui définit clairement les grands principes journalistiques qui les guident.

Cette charte a servi de levier afin que les membres de Réseau.Presse adoptent leur propre guide de déontologie et poursuivent leur développement. Le résultat a été concluant : ces journaux locaux jouent un rôle essentiel dans l’essor, la vitalité et l’évolution des communautés qu’ils desservent.

La participation de Francopresse au Trust Project s’inscrit dans cette même foulée. Elle permettra aux journaux membres de notre réseau qui le souhaitent de franchir une nouvelle étape vers une relation de confiance accrue avec leur lectorat.

La zone du «Golden Horseshoe», au bord du lac Ontario, constitue la plus grande aire urbaine du pays et connait la croissance démographique la plus importante d’Amérique du Nord.

Photo : Domaine Public, NASA

La nuit, vus de l’espace, les rivages de l’ouest du lac Ontario brillent comme un réseau de lucioles.

Le quart de la population canadienne se concentre dans la région métropolitaine, qui s’étire d’Oshawa à Niagara Falls, en passant par le Grand Toronto. La zone, appelée le Golden Horseshoe, constitue la plus grande aire urbaine du pays et connait la croissance démographique la plus importante d’Amérique du Nord.

«Cette urbanisation galopante comporte de nombreux risques pour la santé du lac», estime Paul Sibley, professeur à l’École des sciences de l’environnement de l’Université de Guelph, en Ontario. Le scientifique voit l’imperméabilisation des sols comme la première des menaces. 

Les espaces naturels sont artificialisés pour construire des routes, des stationnements, des logements ou encore de zones commerciales. Résultat, les eaux de pluie et celles issues de la fonte des neiges ne s’infiltrent plus correctement dans le sol.

«La totalité de l’eau ruissèle à la surface, en charriant de nombreux produits chimiques toxiques jusque dans le lac», alerte Andrea Kirkwood, professeure de biologie à l’Université Ontario Tech.

Consultez notre dossier «Les Grands Lacs : bilan de santé»

Ashbridges Bay est la principale station d’épuration de Toronto.

Photo : Wikimedia Commons

Bétonisation à outrance

La biologiste cite le sel de déneigement utilisé sur les routes, mais aussi des particules comme le cuivre, le zinc ou le chrome produites par l’usure des freins et des pneus des voitures : «Même si on arrêtait aujourd’hui d’épandre du sel ou d’utiliser nos voitures, il faudrait des décennies pour que ces contaminants accumulés dans le lac disparaissent.»

L’étalement urbain n’est pourtant pas prêt de s’arrêter. En novembre 2022, le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario a adopté une nouvelle législation qui permettra de construire 1,5 million de logements en dix ans, en libérant des terrains jugés auparavant inconstructibles. 

«Des zones humides lacustres, autour de Toronto notamment, vont être détruites. Elles vont être drainées et céder la place à du béton», dénonce Andrea Kirkwood.

La biologiste rappelle que ces zones humides filtrent une partie de la pollution et jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les inondations et l’atténuation du changement climatique. Elles captent en effet de grandes quantités de carbone, régulant ainsi les émissions de gaz à effet de serre.

L’eau que relâchent les stations d’épuration à proximité du lac n’est pas non plus pure comme celle d’une source de montagne. Même après traitement, les millions de mètres cubes rejetés chaque année contiennent encore des molécules nocives pour les milieux aquatiques, comme des résidus de médicaments, dangereux pour la faune.

À lire aussi : Série Grands Lacs : Le lac Érié, à bout de souffle

Gregary Ford est directeur des programmes relatifs à l’eau de l’organisation environnementale Swim, Drink, Fish.

Photo : Courtoisie

Andrea Kirkwood est professeure de biologie à l’Université Ontario Tech, en Ontario.

Photo : Courtoisie 

Paul Sibley est professeur à l’École des sciences de l’environnement de l’Université de Guelph, en Ontario.

Photo : Courtoisie

Rochelle Byrne est directrice générale de l’association écologiste A Greener Future.

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Systèmes d’égouts vulnérables

Pour tenter de limiter au maximum les quantités de polluants déversées dans la nature, «les stations d’épuration, notamment les plus anciennes, sont constamment modernisées», assure Gail Krantzberg, professeure d’ingénierie et de politique publique à l’Université McMaster, en Ontario.

Gail Krantzberg est professeure d’ingénierie et de politique publique à l’Université McMaster, en Ontario.

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Mais face à l’augmentation constante de la population, les stations d’épuration existantes ne seront pas suffisantes : «Ça va couter des millions de dollars pour réussir à mettre au point des procédés de traitement supplémentaires.»

La question des eaux usées préoccupe d’autant plus la communauté scientifique que les systèmes d’égouts sont vulnérables aux inondations et aux tempêtes, dont l’intensité et la fréquence augmentent à cause du réchauffement climatique. 

Gail Krantzberg explique que dans de nombreuses villes autour du lac Ontario, les eaux usées se mélangent avec l’eau de pluie dans une seule canalisation, avant d’être traitées puis rejetées dans l’environnement. 

Conséquence, en cas de forte pluie, les égouts débordent et des millions de litres d’eau non traitée vont directement dans les cours d’eau et le lac. 

Ces débordements risquent d’arriver de plus en plus souvent et peuvent mettre en danger la population. Des refoulements d’eaux usées peuvent causer des dommages aux habitations, et des bactéries peuvent contaminer l’eau potable.

— Gail Krantzberg

La pollution plastique inquiète également de plus en plus scientifiques et écologistes. On estime que 10 000 tonnes de déchets plastiques pénètrent dans les Grands Lacs chaque année.

Mer de plastique

Melissa De Young est directrice des politiques et des programmes au sein de l’organisation environnementale Pollution Probe.

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«Le lac Ontario est le plus touché à cause de sa proximité avec de grands centres urbains. On y trouve principalement des microplastiques, d’une taille inférieure à 5 millimètres», précise Melissa De Young, directrice des politiques et des programmes à l’organisation environnementale Pollution Probe.

«Comme les microplastiques mettent très longtemps à se décomposer, leur concentration ne cesse d’augmenter. Les effets sont potentiellement désastreux. Il y a une limite à la pollution que l’écosystème peut absorber», ajoute Rochelle Byrne, directrice générale de l’association écologiste A Greener Future

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Alors que le lac Ontario est une source d’eau potable pour plus de 9 millions de personnes des deux côtés de la frontière, tous les acteurs interrogés insistent sur l’urgence de rétablir le lien entre les habitants et le lac. 

Chaque année, on estime que 10 000 tonnes de déchets plastiques pénètrent dans les Grands Lacs.

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«Dans le passé, on a concentré une grande partie des terrains industriels en bordure de lac, ce qui a physiquement déconnecté les communautés du bord de l’eau. Loin des yeux, loin du cœur», philosophe Gregary Ford, directeur des programmes relatifs à l’eau de l’organisation environnementale Swim, Drink, Fish

«Les gens ne savent pas d’où vient l’eau du robinet et où part ce qu’ils versent dans leurs éviers et leurs douches. Il faut attendre une crise pour qu’ils commencent à s’y intéresser», concède Paul Sibley.

Rochelle Byrne abonde dans le même sens : «Une grande partie de la pollution reste sous l’eau, loin des regards».

Elle se veut cependant optimiste. «Une lente prise de conscience émerge», avance la militante. 

L’association Swim, Drink, Fish y travaille en créant de nouveaux lieux de baignade, ou en mettant sur pied des centres communautaires de surveillance de la qualité de l’eau. 

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L’incertitude qui entoure le prochain Plan d’action pour les langues officielles plonge une grande partie des organismes francophones dans le flou. Un flou qui a notamment couté deux postes à la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

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Le Plan d’action est en retard selon Marie-Christine Morin, directrice générale de la Fédération culturelle française du Canada (FCCF).

Photo : Courtoisie

«Devant l’incertitude du Plan qui va être annoncé et s’il y a des sommes supplémentaires ou non, j’ai dû abolir ces postes dans mon équipe dès le 1er avril, lâche Marie-Christine Morin, directrice générale de la FCCF. Je n’ai pas de fonds d’opération pour les payer. Qui sait si je vais pouvoir les réembaucher?» Le Plan en cours (2018-2023) expire le 31 mars 2023.

«Retard» du Plan

«Je pense qu’on peut dire que le Plan d’action est en retard dans la mesure où nous n’avons pas d’assurance quant aux investissements disponibles et accessibles au début de notre année financière, ajoute la directrice. Sans confirmation de financement, c’est difficile de mettre quoi que ce soit en branle de notre côté et d’assurer une continuité de nos activités et services.»

La FCCF demande 75 millions de dollars pour l’ensemble de son réseau, à travers neuf initiatives que l’organisme considère comme essentielles au redressement culturel.

Selon Marie-Christine Morin, s’il n’y a pas de financement supplémentaire, même un maintien des finances ne suffira pas, à cause des hausses de cout dues en grande partie à la pandémie. «S’il n’y a aucune bonification, on va devoir faire avec moins», déplore-t-elle. Autrement dit, perdre deux analystes politiques en poste qui suivent les dossiers politiques d’intérêt pour la FCCF.

Les deux derniers plans d’action ont été adoptés les 28 mars 2013 et 2018. Avant cela, la première reconduction du Plan avait été faite en 2008. La feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 avait été déposée en juin 2008, alors que le budget avait été déposé le 26 février.

Bris de service

Même constat du côté de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), qui a supprimé un poste. «Nous étions dans l’impossibilité de confirmer la poursuite du financement» justifie la présidente Marguerite Tölgyesi.

Marguerite Tölgyesi, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, affirme que ses membres ressentent l’incertitude liée au Plan d’action pour les langues officielles.

Photo : Guillaume Riocreux - L’Aurore boréale

Cette dernière explique également que les membres de l’organisme font face à des bris de service. «On ne sait pas si la programmation va continuer.»

La direction d’un de ses membres, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), confirme par exemple que le programme de français «Dépasse-toi» a été reconduit jusqu’en juin. Mais après cette date, le flou persiste.

«C’est embêtant, dans un contexte où le Nouveau-Brunswick doit affirmer sa francophonie encore un peu plus fort aujourd’hui», signale Valérie Levesque, directrice générale par intérim de la FJFNB, en référence aux différentes actions du gouvernement Higgs envers les francophones.

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Difficultés de la rétention d’emploi

La directrice générale de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) souligne de son côté le défi de la rétention, autre enjeu lié à ce contexte d’incertitude. «On n’en veut pas aux employés qui s’en vont vers d’autres emplois, on comprend», fait valoir Soukaina Boutiyeb.

Elle demande à Patrimoine canadien un financement «adéquat», ce qui signifie payer «au moins» les ressources humaines, les loyers des bureaux — «car certains travaillent dans des sous-sols», affirme la directrice — et un financement indexé sur l’inflation postpandémie.

Soukaina Boutiyeb en profite aussi pour glisser qu’il manquait la lentille des femmes francophones dans le dernier Plan, ce qui a empêché le financement de plusieurs de ses organismes membres : «Vous pouvez faire la recherche du mot “femme” dans le document. Il n’y a rien. Nous nous sommes senties totalement oubliées.»

Soukaina Boutiyeb mentionne que la rétention des travailleurs dans son organisme est un autre enjeu lié au financement du prochain Plan d’action.

Photo : Courtoisie AFFC

Un processus parlementaire insécurisant

Dans une déclaration envoyée par courriel à Francopresse, le cabinet de la ministre Petitpas Taylor rappelle que les sommes inscrites dans le prochain Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 dépendent du budget fédéral 2023, qui sera dévoilé le 28 mars prochain.

«Cela découle du processus parlementaire normal et c’est pour cette raison qu’aucun détail ne peut être divulgué pour le moment. Toutefois, il est important de noter que les sommes qui ont été attribuées lors du dernier Plan d’action sont permanentes et Patrimoine canadien travaille de près avec les organismes sur le terrain pour s’assurer qu’il n’y a pas de bris de service pour ceux et celles qui reçoivent du financement de la part du ministère de Patrimoine canadien», fait valoir le cabinet de la ministre des Langues officielles.

«On comprend certainement le cycle budgétaire. Mais la francophonie a besoin d’être appuyée au-delà des fins d’années financières incertaines pour se développer», renchérit Marie-Christine Morin.

«C’est comme ça à chaque plan d’action, le système est fait comme ça. Ça fait longtemps que ça a été identifié comme un problème systémique. Ce n’est pas rare, mais c’est très insécurisant pour les organismes. C’est encore plus présent à la fin d’un plan et au début d’un autre», commente Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

Un «pont» pour une meilleure transition entre deux plans d’action

Selon Liane Roy, le système autour des Plan d’action est toujours fait en fonction du cycle parlementaire mais cause «inévitablement» de l’insécurité chez les organismes francophones.

Photo : Courtoisie FCFA

La FCFA a relayé ces préoccupations à Patrimoine canadien. Liane Roy tempère toutefois, affirmant que le gouvernement veille à chaque Plan à mettre en place un «pont» ; une transition entre deux Plans.

«Si je me fie aux autres années, ce pont signifie que le gouvernement fédéral reconduit la dernière année du Plan d’action actuel ou reconduit un certain montant pour une partie de l’année et bonifie ensuite, une fois que les budgets ont été [entérinés, NDLR]» détaille Liane Roy.

En outre, tous les organismes nuancent et s’accordent pour dire que la ministre des Langues officielles a été à l’écoute et que le souci du manque d’information et de financement a été soulevé lors des consultations pancanadiennes, qui ont servi à la ministre pour rédiger le Plan d’action 2023-2028.

«Il y a beaucoup d’empathie de la part du bureau de la ministre et beaucoup d’impatience chez eux aussi», assure Marguerite Tölgyesi, présidente de la FJFC.

Pour Brigitte Kropielnicki, directrice générale du Conseil scolaire du Nord-Ouest de l’Alberta, cette entente reste très avantageuse pour les parents. «Au lieu de payer 950 $ [par mois], ils payent autour de 500 $. C’est la moitié des frais. C’est très bien pour les parents, ça leur donne une chance de placer leur argent ailleurs, surtout une famille qui a plus d’un enfant.»

Brigitte Kropielnicki est directrice générale du Conseil scolaire du Nord-Ouest, en Alberta.

Photo : Courtoisie

Le Conseil scolaire gère trois écoles francophones dans le Nord-Ouest de la province, dont une garderie à l’école Nouvelle Frontière à Grande Prairie, depuis 2019. «Avant qu’on ouvre nos portes à Grande Prairie, il n’y avait aucun service de garde en français», rappelle la directrice.

Depuis la mise en place de l’accord fédéral-provincial, le service de garde est plein. «Des familles avaient retiré leurs enfants, surtout pendant la pandémie, car elles n’avaient plus les moyens de payer. Un parent demeurait à la maison.»

La directrice générale explique que «depuis que l’entente est entrée [en vigueur,] il y a des familles qui sont revenues aux services de garde et les parents sont retournés au travail. Cela aide la communauté de Grande Prairie qui en général a besoin d’employés dans tous les secteurs. Ça fait boule de neige positivement.»

Le Centre scolaire du Nord-Ouest explore actuellement la possibilité d’ouvrir une garderie à l’École des Quatre-Vents à Peace River.

L’Accord entre le Canada et l’Alberta sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants prévoit un investissement de 3,8 milliards de dollars entre 2021 et 2026, «ce qui permettra de créer jusqu’à 68 700 nouvelles places en garderie agréée», rapporte le ministère des Services à l’enfance de la province.

«Ce travail comprendra des initiatives ciblées visant à créer des places pour les familles issues de populations diverses et mal desservies, y compris, mais sans s’y limiter, les familles francophones.»

Mais les listes d’attente des garderies ne raccourcissent pas. Selon une étude de la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA) et du Conseil de développement économique de l’Alberta (CDEA) présentée le 13 février 2023, il manque de places dans les services de garde francophones de plusieurs zones, y compris à Calgary et à Edmonton.

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Déserts de services francophones

«Plusieurs quartiers de [Calgary et Edmonton] ne comptent aucune place en garderie à temps plein alors qu’un nombre important de francophones y demeurent. Selon nous, il est possible d’agir en y créant un site de garderie aussitôt que possible», peut-on lire dans le rapport.

Mireille Péloquin est directrice générale de la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA).

Photo : FPFA

«On a dévoilé que pour six enfants francophones en Alberta, il y a moins d’une place en service de garde. On est extrêmement mal desservis», alerte Mireille Péloquin, directrice générale de la FPFA.

«Il y a des quartiers en Alberta qui sont bien servis, puis il y en a même où on dit qu’il existe des services, mais ce n’est quand même pas adéquat. Il n’y a pas suffisamment de places.» Cela pousse certaines familles à se tourner vers des services anglophones, déplore-t-elle.

Avec ce genre d’étude, la FPFA espère constituer une base de données qui pourrait être utile au gouvernement dans ses futures prises de décisions : «C’est le message qu’on est en train de passer au gouvernement provincial, de leur dire : si vous allez financer, si vous recevez des demandes pour des francophones, voici où sont nos besoins», déclare Mireille Péloquin.

De bons rapports avec le ministère

Selon elle, il faudrait apporter des modifications à l’entente fédérale-provinciale. Pour cette raison, la FPFA essaie de travailler avec le gouvernement albertain. «On croit que si on n’exprime pas c’est quoi nos besoins, c’est difficile pour eux de deviner. On a quand même de bons contacts avec les administrateurs du côté du ministère.»

Car malgré le coup de pouce financier des services de garde à 10 $ par jour, les francophones se trouvent toujours lésés en Alberta.

Il y a beaucoup de déplacements pour un parent qui veut avoir accès à un service de garde en français. Ça demande des ressources supplémentaires. Tandis que pour un anglophone, c’est plus accessible.

— Mireille Péloquin, directrice générale de la FPFA

Même si les frais des services de garde sont les mêmes pour les parents des deux communautés linguistiques, «la subvention va beaucoup plus loin pour la majorité, parce que c’est à côté de chez eux. Pour le francophone qui a la même subvention, mais qui doit traverser la ville, à la fin de la journée, la subvention est moins importante», conclut la directrice générale de la FPFA.

Être Autochtone au sein d’une majorité allochtone, être une personne noire ou de couleur dans un milieu blanc ou être un jeune inquiet de son avenir n’est pas toujours de tout repos. Pour faire valoir son existence et ses droits, il faut souvent montrer beaucoup de détermination et parfois se mobiliser pour manifester.

Luc Turgeon est professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

Photo : Erin Duncan

«Les membres des minorités sont conscients qu’à tout moment, leurs droits peuvent leur être facilement retirés et qu’ils doivent souvent faire des coups d’éclat pour pouvoir se faire entendre», explique Luc Turgeon, professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

Pour lui, les mobilisations les plus marquantes, comme les grandes manifestations, sont le fruit d’inégalités.

Il s’agit de moyens de «dernier recours» : «C’est parce qu’on n’a pas accès, comme les membres de la majorité publique, à des recours plus traditionnels au sein des institutions politiques en place.»

Or, assez paradoxalement, les inégalités peuvent aussi représenter un frein à la mobilisation. «Quand on n’a pas accès à des besoins de base, c’est beaucoup plus difficile de se mobiliser politiquement, observe l’universitaire. Si on doit travailler 60 heures par semaine pour survivre, c’est sûr qu’on n’a pas les mêmes occasions.»

Activisme et écologie

Bill Jones fait partie de ceux qui n’hésitent pas à monter aux barricades. Lauréat du Prix Eugene-Rogers pour l’environnement en 2021, l’ainé de la Première Nation des Pacheedahts en Colombie-Britannique et ancien bucheron milite contre l’exploitation forestière dans cette province depuis plusieurs années.

«Je n’ai pas accordé un grand intérêt à l’activisme écologique jusqu’en 2012, quand je me suis engagé dans ce que nous appelons la lutte de Walbran. Je me suis joint à un groupe appelé les Friends of Walbran et nous avons fait des lignes de piquetage, des barrages routiers, des barricades pendant longtemps.»

En 2020, il a rejoint la manifestation contre l’exploitation des forêts anciennes à Fairy Creek, où il a été confronté à une répression musclée. «Il y a eu beaucoup de violence, d’intimidation et de harcèlement.»

Bill Jones est un ainé de la Première Nation des Pacheedahts en Colombie-Britannique.

Photo : Courtoisie Last Stand for Forests

Il raconte que «l’injonction est arrivée et la police a commencé à intensifier sa violence contre les manifestants, les écogardiens de la forêt, et nous nous sommes retrouvés avec, il me semble, quelque 1100 arrestations et un millier d’accusations en cours».

Selon lui, cette série d’évènements lui a permis de comprendre l’aspect politique de sa vie. «Tout est politique en ce qui concerne les relations familiales et la résidence. Même votre chat est politique. Vos relations avec vos voisins sont des outils politiques qui seront utilisés pour limiter l’infrastructure politique des réserves [autochtones].»

«[À cause de] l’expérience des pensionnats, la plupart des Premières Nations de ma génération ont appris à se méfier, confie le diplômé de 1959 du Pensionnat indien d’Alberni, sur l’ile de Victoria. C’est encore une structure des relations raciales au Canada en raison de la connotation politique de ce que veut dire être Indien.»

Militer envers et contre tout

Bill Jones est bien conscient des foudres qu’il s’attire par ses actions. «Je ne suis pas un homme très populaire, et je sens que je suis peut-être même en danger parfois parce que je suis d’avis que nous devons faire les choses un peu différemment si nous voulons sauver les longues luttes pour nos droits et notre liberté qui sont maintenant continuellement bafoués.»

En invitant des manifestants dans le territoire traditionnel de la nation Pacheedaht, Bill Jones a parfois été une épine dans le pied du conseil de bande, qui ne voulait pas de leur présence.

Dans une lettre de 2021, il insiste sur le fait que «les personnes de tous les âges, genres, races, cultures et classes sociales doivent marcher ensemble pour contribuer à la guérison des blessures causées par le colonialisme et la destruction environnementale».

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Et les jeunes dans tout ça?

Olivier Hussein ne craint pas non plus de s’engager sur le plan politique, et ce, malgré son jeune âge.

Originaire de la République démocratique du Congo, il est arrivé à Moncton en 2009. Au Nouveau-Brunswick, il a été bénévole dans plusieurs organismes francophones pour favoriser l’accueil et l’intégration des immigrants et des réfugiés.

Olivier Hussein est un activiste dédié aux luttes des immigrants, des francophones et contre le racisme systémique.

Photo : Facebook Olivier Hussein

«Je pense que c’est ma personnalité, qui je suis en tant que personne, analyse-t-il. Je suis humanitaire, je suis une personne qui connait les différents enjeux qui touchent surtout les personnes racisées. Étant moi-même issu de la communauté racisée, il y a beaucoup d’enjeux auxquels nous faisons face […] beaucoup de barrières systémiques.»

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Selon lui, «ça prend des jeunes qui ont [du] dévouement. Il ne faut pas avoir peur. Je dirais que la peur doit quitter l’esprit de certaines personnes parce que je sais que souvent il y a des jeunes qui ont tendance à avoir la peur de pouvoir aller s’impliquer.»

Olivier Hussein s’est aussi engagé en politique et appelle un plus grand nombre de jeunes à faire de même. «Les jeunes ont cette tendance de pouvoir changer les choses. On le voit notamment au niveau de nos gouvernements, il y a beaucoup de jeunes impliqués. Pourquoi pas aussi voir plus de jeunes ministres?»

Je vais mettre l’accent sur les jeunes issus des communautés racisées, donc les jeunes Noirs, les jeunes Autochtones. Il faut que nos politiques, nos gouvernements, donnent plus d’opportunités à ces jeunes pour pouvoir s’exprimer.

— Olivier Hussein, activiste

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Le militant voit d’ailleurs un lien entre les combats des personnes autochtones, noires et acadiennes : «[La communauté acadienne] a beaucoup milité pour la francophonie, pour avoir le français, pour avoir ce privilège et cette fierté d’avoir la langue française comme deuxième langue de cette province.»

Parler une langue, un geste politique?

«La francophonie, c’est vraiment un combat, c’est quelque chose qui me tient à cœur», poursuit Olivier Hussein.

Michelle Landry, de l’Université de Moncton, est titulaire de la Chaire de recherche au Canada sur les minorités francophones canadiennes et le pouvoir.

Photo : Nigel Fearon Photography

Pour Michelle Landry, professeure de sociologie à l’Université de Moncton, être francophone en milieu minoritaire et vivre en français, c’est déjà devoir faire des choix au quotidien, «que ce soit d’inscrire nos enfants à l’école en français ou de demander un service en français gouvernemental ou dans un commerce ; on ne prend pas la voie la plus facile».

Différentes raisons peuvent motiver une personne à choisir le français en milieu linguistique minoritaire : «Ça peut être des influences familiales, à l’école […] un évènement dans la vie de quelqu’un, une histoire de vie personnelle, des rencontres, des occasions.»

«Il y a toutes les activités aussi qui sont organisées dans la francophonie canadienne, que ce soit les Jeux de la francophonie, les Jeux de l’Acadie, les camps de leadeurship. Il y a toutes sortes d’évènements qui visent à consolider l’identité, mais aussi l’engagement», renchérit la sociologue.

Mais les questions de la francophonie se cachent souvent derrière d’autres causes. «Souvent, les militants, les groupes et autres personnes engagées vont se rendre compte des enjeux de pouvoir au sein même de leur secteur d’intérêt, par exemple, si on remarque qu’il y a peu de services aux femmes dans les régions francophones ou pour les personnes âgées.»

Plus sur la francophonie

La saga en comité parlementaire continue. Après des soucis techniques qui ont duré une heure et 30 minutes sur les deux heures de séance, les députés ont voté mardi pour allonger l’étude du projet de loi C-13 de 6 heures et 30 minutes, soit trois séances et demie de plus. À lire aussi : L’étude de C-13 prolongée dans la douleur

Le vote, qui s’est tenu dans une confusion totale, a mené les membres à voter en faveur de la proposition de la néodémocrate Niki Ashton plutôt que celle du conservateur Joël Godin, qui, en plus de prolonger le nombre de quatre séances, souhaitait débattre de l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Ce débat avait été demandé notamment par Mario Beaulieu dans une motion précédente, qui a été rejetée.

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Mardi, le Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC-CSN), qui représente plus de 7 500 agents fédéraux, a dénoncé des «atteintes inacceptables aux droits linguistiques» de la part du Conseil du Trésor.

En février, lors de la première ronde de négociations, le ministère aurait refusé de négocier la nouvelle convention collective dans les deux langues, à moins que l’UCCO-SACC-CSN paie 50 % des frais de traduction simultanée.

Le syndicat a déclaré ne pas être «fermé» à payer, mais aurait préféré avoir été averti, car ils n’ont pas voté leur budget en conséquence.

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Le directeur parlementaire du budget et ses analystes ont soutenu que le ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) avait 65 % d’employés en plus que nécessaire pour traiter les 80 % de demandes de visa émanant du système d’immigration Entrée express.

Photo : Courtoisie

Dans un rapport publié mardi, le directeur parlementaire du budget a épinglé le ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) sur les couts de son système d’immigration Entrée express.

L’objectif de ce système est de traiter 80 % des demandes en six mois, dans l’optique d’accueillir 514 377 immigrants au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement doit payer un total net de 48 millions dollars pour Entrée express, qui englobe le traitement, les services avant l’arrivée et les services d’établissement.

«Selon notre analyse, le nombre d’employés à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) devrait être plus que suffisant pour respecter les délais de traitement au cours des cinq prochaines années. Nous estimons qu’IRCC compte un effectif de 65 % supérieur à ce dont il a besoin pour atteindre son objectif au cours du présent exercice», a fait valoir le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, dans un communiqué.

En septembre dernier, dans sa Stratégie visant à accroitre les transitions vers la résidence permanente, le ministre de l’Immigration Sean Fraser avait proposé d’assouplir Entrée express, pour sélectionner davantage d’immigrants, notamment francophones, afin de combler la pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs-clés. Les compétences linguistiques en français font partie des critères de sélection.

Les couts des programmes du système d’immigration Entrée express.

Photo : Capture d’écran rapport DPB

Nomination d’un rapporteur spécial, démission d’un ancien ministre de Justin Trudeau

Sous le feu des critiques depuis les allégations d’ingérence chinoise lors des élections fédérales de 2019 et 2021, Justin Trudeau a annoncé lundi la nomination d’un rapporteur spécial indépendant pour déterminer s’il y a besoin de lancer une enquête publique.

Le premier ministre a affirmé en point presse que la personne nommée pourrait décider qu’au lieu d’une enquête publique, ce pourrait être «une enquête, un examen ou une révision judiciaire».

S’il n’a pas encore indiqué le nom de la personne responsable, le premier ministre a précisé que ce poste serait occupé par un «éminent Canadien» et qu’il respecterait l’issue de sa décision. Justin Trudeau a ajouté que tous les partis participeront au choix du rapporteur spécial.

Le premier ministre n’a pas donné suite aux demandes répétées depuis des semaines du Bloc québécois, du NPD et du Parti conservateur, qui le pressent de lancer une enquête publique. Ces derniers l’ont de nouveau ciblé cette semaine en Chambre à ce sujet.

La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, a déposé jeudi les plans ministériels 2023-2024 du gouvernement à la Chambre des communes.

Ces plans indiquent les feuilles de route, les priorités et les axes sur lesquels se concentreront, par thèmes, les ministres et organismes pour l’année à venir.

«Le dépôt de ces plans au Parlement permet aux parlementaires et à la population canadienne de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des priorités énoncées et d’être mieux en mesure de demander des comptes au gouvernement sur la manière dont il utilise les ressources pour obtenir des résultats», a indiqué le Conseil du Trésor, par communiqué.

Le plan de Patrimoine canadien pour le ministère des Langues officielles vise à «continuer de moderniser et de renforcer la Loi sur les langues officielles et ses instruments connexes en tenant compte de la réalité particulière du français au Canada, incluant au Québec».

Il vise également la mise en œuvre du nouveau Plan d’action pour les langues officielles, «qui devrait être lancé en avril», selon le Commissariat aux langues officielles et qui couvrira la période 2023-2028.

Marc Garneau, ancien ministre fédéral des Transports du Canada (2015-2021) et des Affaires étrangères(2021) avait participé à la course au leadeurship du Parti libéral contre Justin Trudeau en 2013.

Photo : Facebook Marc Garneau

Le député de la circonscription montréalaise à majorité anglophone de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount a annoncé sa démission lors du caucus de députés libéraux, mercredi.

L’ancien astronaute avait marqué l’actualité lors des séances du Comité permanent des langues officielles en se prononçant contre le projet de loi C-13, notamment dans une lettre du 16 février 2023 publiée sur son site.

Avec ses collègues libéraux, Anthony Housefather et Emmanuella Lambropoulos, Marc Garneau était notamment monté au créneau pour défendre la minorité anglophone du Québec contre les propos de Mario Beaulieu du Bloc québécois.

Ce dernier tenait non seulement à ce que la Charte de la langue française du Québec se retrouve dans C-13, mais il refusait aussi de qualifier de minorité les anglophones du Québec.

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Une motion du NPD proposait lundi à la Chambre des communes de conserver et de protéger le système de santé publique et non le privé, comme il est question en Ontario avec le projet de loi du gouvernement Ford. Les libéraux, les conservateurs et le Bloc québécois ont tous rejeté la motion, à 298 voix contre 26.

Peu après, par communiqué, le NPD dénonçait «une volteface des libéraux de Justin Trudeau». Le NPD a souligné qu’en 2021, «Trudeau a promis de mettre fin à toute facturation des soins de santé en appliquant ou en modifiant la Loi canadienne sur la santé et a fait campagne contre le chef conservateur de l’époque, Erin O’Toole, en dénonçant leur plan visant à ce que les sociétés à but lucratif fournissent davantage de soins de santé au Canada.»