le Lundi 29 mai 2023
le Lundi 6 juin 2022 7:30 Économie et finances

Perspective d’une banque alimentaire en milieu rural

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De gauche à droite, au premier plan : Suzanne Ritchot, Thérèse Chaput, Armande Leclair, Claudette Lavack. À l’arrière-plan : Norbert Ritchot, Rachel Mulaire Boisvert et Aurèle Boisvert.  — Photo : Marta Guerrero
De gauche à droite, au premier plan : Suzanne Ritchot, Thérèse Chaput, Armande Leclair, Claudette Lavack. À l’arrière-plan : Norbert Ritchot, Rachel Mulaire Boisvert et Aurèle Boisvert.
Photo : Marta Guerrero
IJL — RÉSEAU.PRESSE – LA LIBERTÉ (Manitoba) – Inflation : ce mot est dans la tête de nombreux ménages canadiens depuis plusieurs mois. L’Accueil Kateri Centre, la banque alimentaire de Sainte-Anne au Manitoba, jongle entre l’augmentation des prix et l’augmentation de la demande de paniers alimentaires.
Perspective d’une banque alimentaire en milieu rural
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Les trois dernières éditions du Rapport sur les prix alimentaires canadiens prévoyaient qu’une famille moyenne, constituée de deux parents actifs et de deux enfants, dépenserait 12 667 $ en 2020 pour se nourrir, 13 907 $ en 2021 et 14 767 $ en 2022.

Aurèle Boisvert, président de l’Accueil Kateri Centre, situé au sud-est de Winnipeg, éprouve des inquiétudes : «Ce qu’on observe au niveau de la province, c’est que la demande pour des paniers alimentaires suit le taux d’inflation. C’est très inquiétant. Si l’inflation continue d’augmenter, il y aura de plus en plus de demandes de paniers alimentaires et on n’est pas surs de pouvoir répondre à cette demande.»

Moisson Manitoba a publié un graphique sur l’état de la situation montrant qu’en mars 2020, 8 946 paniers alimentaires avaient été distribués alors que ce nombre était passé à 13 994 en mars 2022.

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Hausse des prix… et de la demande

Aurèle Boisvert note une tendance correspondante dans sa région : «Avec les prix qui augmentent, c’est de plus en plus difficile pour nous de remplir les paniers de provisions pour ceux qui en ont besoin.

» On a des bons de nourriture, on fait aussi des achats qui sont de plus en plus dispendieux. La seule chose qui n’a pas augmenté c’est le prix des bananes!

» La viande est certainement ce qui coute maintenant le plus cher. Tous les aliments ont augmenté, mais la viande coutait déjà cher.

» La banque alimentaire de Sainte-Anne distribue des paniers un mercredi sur deux. En ce moment, on en distribue 84. C’est beaucoup pour une région comme Sainte-Anne. En comparaison avec l’année dernière, on a 30 paniers de plus à distribuer.»

Pour Armande Leclair, qui s’occupe de la gestion des bénévoles et de la banque alimentaire, c’est un triste constat. «Encore en début du mois, on a eu quatre membres supplémentaires qui se sont inscrits. On va donc maintenant distribuer 88 paniers. On essaye de remplir les estomacs des enfants pour qu’ils puissent aller à l’école et suivre leurs cours.

» Au rural, les gens ont absolument besoin de se déplacer et, avec le prix de l’essence, je m’inquiète de savoir si leur budget nourriture n’est pas impacté. Surtout qu’à Sainte-Anne, on a juste un petit magasin où les prix sont assez élevés. Il faut une voiture pour aller faire des achats. Il y a des familles qui n’ont pas de choix.»

La générosité des bénévoles et des donateurs

Aurèle Boisvert mentionne à quel point la générosité des personnes est appréciée dans la période actuelle. «On dépend des dons des personnes. Il arrive qu’on applique pour des octrois qui ne sont pas toujours garantis et qui parfois sont très ciblés. Majoritairement, on dépend des dons des personnes.

» On peut se déplacer pour aller chercher les dons, on essaye d’être accommodant parce que c’est précieux. On a du soutien de Moisson Manitoba et de la banque alimentaire de Steinbach [au sud-est de Sainte-Anne].

» On a une vingtaine de bénévoles sur qui on peut compter. On leur a dit qu’on pouvait les rembourser pour les déplacements qu’ils font pour la banque alimentaire. Aucun n’a fait la demande parce qu’ils savent que cet argent va aller dans les paniers alimentaires. On est très chanceux de pouvoir compter sur eux.»

Rachel Mulaire Boisvert est bénévole depuis plus de cinq ans. «Le rôle de la banque alimentaire est de plus en plus important surtout avec l’inflation alors si on peut aider d’une façon ou d’une autre il faut le faire.»

Thérèse Chaput est bénévole depuis l’ouverture de la banque alimentaire en 2015. «Avec les prix qui augmentent, on a un peu plus de monde qui vient nous voir pour nous demander de l’aide. Alors, être bénévole c’est vraiment pouvoir aider ces familles.»

Suzanne et Norbert Ritchot font le même constat. «Avec l’inflation, on voit de plus en plus de monde qui a besoin de notre aide. Nous, on est choyés, alors si on est capables de pouvoir redonner dans la communauté dans laquelle on vit depuis 50 ans, c’est une bonne chose. Le rôle de la banque alimentaire est probablement plus important que jamais.»

Claudette Lavack abonde dans le même sens : «Je me suis engagée à la banque alimentaire parce que j’étais enseignante et je voyais bien que certaines boites de lunch n’étaient pas toujours remplies. L’inflation m’inquiète davantage et je me demande si les enfants auront à manger et si leur alimentation sera variée parce que j’ai déjà vu des enfants manger des hotdogs pendant toute une semaine.»

Des inquiétudes pour l’avenir

Si Aurèle Boisvert sait qu’il peut compter sur un noyau de bénévoles aguerris, des questions restent en suspens pour lui. «À l’avenir on s’inquiète de la disponibilité de certains produits. La loi du marché fait que si certains produits ne sont pas disponibles et que tout le monde en veut, les prix vont encore augmenter. Et dans ce cas, je ne sais pas combien de temps la banque alimentaire pourra tenir. On est inquiets de devoir réduire le montant de nourriture qu’on distribue.»

Pour Aurèle Boisvert, l’aide alimentaire est aussi une question de dignité humaine. «Je donne l’exemple d’une histoire qui nous a fait mal au cœur : c’est un couple d’ainés qui a demandé de l’aide parce qu’ils n’avaient pas assez d’argent et c’était la première fois que ça leur arrivait. Ils ont demandé à venir une autre journée que le mercredi parce qu’ils ne voulaient pas être vus à la banque alimentaire.

» On penserait qu’on s’occupe de nos ainés alors qu’au final on voit que certains ont besoin des banques alimentaires, c’est un crève-cœur.

» Il faut souligner qu’outre les loisirs, l’un des budgets élastiques d’une famille c’est la nourriture parce que l’hydro, l’hypothèque ou le loyer, c’est non négociable.

» L’autre budget élastique, ce sont les médicaments. Parfois les gens vont se priver de médicaments pour pouvoir manger. Sauf que certains médicaments sont vitaux. Ce sont des aspects qu’il faut prendre en considération avec l’inflation.»