Des patients en situation de vulnérabilité, au regard parfois désorienté, reçoivent les services de professionnels de la santé dont l’image a été brouillée pour les rendre difficiles à voir. Sur la photo, le message suivant est affiché : «Pas clair? Demandez le français.»
Depuis la fin de janvier, une série d’images circulent sur les médias sociaux, initiative de Réseau TNO Santé, pour inviter les patients francophones qui en ressentent le besoin à réclamer des services en français, langue officielle au territoire.
Par cette campagne, l’organisme appelle également les patients à signaler tout manquement à la Loi sur les langues officielles des TNO, qui prévoit la prestation de soins de santé en français.

Nous voulions stimuler la rétroaction et inviter les résidents à ne pas tenir pour acquis que le service n’existe pas en français aux Territoires du Nord-Ouest, que ce n’est pas grave et que la seule solution est de passer à l’anglais.
«Il ne faut pas hésiter à se dire : “Le service en français est supposé exister et c’est important pour moi. Je demande, et, si ça ne fonctionne pas, je le rapporte”», souligne-t-elle.
«Nous voulons faire savoir que le gouvernement a mis en place un ensemble de procédures qui devraient fonctionner sur le terrain et qu’il est vraiment important de donner une rétroaction à la Santé publique et au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest si ces procédures ne fonctionnent pas», ajoute-t-elle.
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Les plaintes, un outil pour établir des priorités
Selon Mme Fournier, les plaintes peuvent s’avérer un précieux outil puisqu’une augmentation du volume des rétroactions pourrait contribuer à accélérer la mise en place de solutions.
«L’Administration des services de santé et des services sociaux (ASTNO) et le Secrétariat aux affaires francophones ont indiqué que la population n’utilise pas les services en français et qu’il n’y avait pas assez de demandes pour prouver le besoin, et ce, même s’ils sont tenus d’offrir ces services en français», rapporte Mme Fournier.
Si les efforts actuels de Réseau TNO Santé peuvent favoriser la mise en place de solutions, Mme Fournier insiste pour dire que l’offre de services en français dans les établissements de soins de santé des TNO n’est pas une option, mais une obligation.
Nous n’avons besoin de rien justifier. C’est dans la loi, c’est une obligation, le travail va se faire quand même. Cependant, il est certain qu’un travail de priorisation doit être fait par ceux qui font la planification des services. Avoir une rétroaction du public pourra aider à décider où seront dirigés les efforts prioritaires et le financement.
Au début des années 2000, le manque de services en français aux Territoires du Nord-Ouest a abouti à un procès qui a opposé la Fédération franco-ténoise (FFT), les Éditions franco-ténoises qui publiaient alors L’Aquilon et cinq citoyens aux gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Canada.
Les juges de la Cour suprême et de la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest ont donné raison aux plaignants en 2006 et en 2008. La mise en œuvre de ce jugement est, entre autres, à l’origine de la création du Secrétariat aux affaires francophones.
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Services planifiés, patients négligés
Plusieurs lacunes se feraient toujours sentir dans le système de santé. «Nous l’entendons et nous sommes au courant : il n’y a pas toujours de services en place», confirme Mme Fournier.
«Ce qui arrive généralement, c’est que le service est planifié, qu’une procédure existe, mais que, pour certaines raisons qui sont davantage du ressort de la mise en œuvre sur le terrain, le service n’est pas disponible lorsqu’on en a besoin», explique-t-elle.
La même situation prévaudrait en santé mentale, dossier de l’heure du Réseau TNO Santé.
«Nous aimerions ne plus voir de situations où une personne qui a vraiment besoin d’une aide rapide tombe sur une boite vocale, est dirigée vers un autre bureau et reste prise dans un dédale administratif, confie Audrey Fournier.
«Il faut un plan A, B et C et s’assurer qu’une personne sera toujours sur le terrain pour parler en français. On ne peut pas se fier à une seule personne, qui peut être en pause ou en vacances, par exemple. On espère que cela sera amélioré», insiste-t-elle.
Bien que les usagers ne voient encore rien de tangible, Mme Fournier affirme que le gouvernement territorial et l’ASTNO déploient bel et bien des efforts pour améliorer la situation générale de l’offre de services de santé en français.
«Il est certain qu’il est extrêmement long pour une administration et pour tout un système de santé de mettre de nouvelles initiatives en place et de faire en sorte que les patients se rendent compte des changements. Personnellement, je me rends compte qu’un travail a bel et bien été fait à l’arrière pour que tout fonctionne mieux», assure-t-elle.