Depuis sa création en 1999, les interventions de l’APFC auprès des instances du gouvernement et de l’industrie, ainsi que les partenariats instaurés avec plusieurs institutions, tels le Fonds des médias du Canada (FMC), Téléfilm Canada, l’ONF, Radio-Canada, TFO, ont favorisé son essor. Avec l’arrivée de nouveaux joueurs comme Netflix et avec la modernisation de la loi sur la radiodiffusion, il y a encore beaucoup d’enjeux auxquels doit faire face l’Alliance.
Francopresse : Produire en situation minoritaire, est-ce continuellement un parcours du combattant?
Carol Ann Pilon : Ce que je peux vous dire, c’est que bien que les francophones qui vivent à l’extérieur du Québec représentent 14 % de la population francophone canadienne, seulement 4 % de toutes les dépenses en productions audiovisuelles francophones sont faites dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. De ce 4 %, presque la totalité est en télévision, soit 97 % contre 3 % en longs métrages. D’autre part, en milieu minoritaire, on n’a pas accès aux mêmes infrastructures que celles des grands centres de production, comme à Montréal. Le bassin de talents dans lequel peuvent puiser les producteurs est forcément plus restreint du fait que le marché est très concurrentiel et que plusieurs de nos créateurs et artisans peuvent travailler dans les deux langues. Faut aussi dire qu’il n’existe pas d’écoles de cinéma en français ailleurs qu’au Québec, donc difficile d’élargir ce bassin.
Un producteur ou une productrice francophone au sein de l’Alliance peut-il ou peut-elle ne faire que des productions en français et réussir malgré tout à joindre les deux bouts?
La grande majorité de nos membres ne fait que de la production en français et très peu en anglais. Mais clairement, ils doivent être persévérants, croire dans leur langue, dans leur culture et être absolument passionnés de ce qu’ils font.
En comparaison avec un producteur anglophone québécois, y a-t-il des différences avant qu’un projet aboutisse du côté franco-canadien?
Les producteurs anglophones du Québec disposent d’un énorme marché anglophone. Il y a sensiblement moins de débouchés pour la diffusion d’œuvres francophones dans le marché français au Canada.
Il faut savoir aussi que le système de radiodiffusion est complexe et qu’il s’appuie sur plusieurs leviers : législatifs, règlementaires, fiscaux et financier. Le soutien à la production de contenus médiatiques dépend aussi de la volonté politique. Par exemple, la création en 2004 du Programme de langue française en milieu minoritaire au Fonds des médias du Canada représente la réalisation la plus structurante de notre industrie et a fait ses preuves à plusieurs égards. Ce programme assure une enveloppe de financement d’au moins 10 % du montant du financement consenti aux productions de langue française. Cette initiative représente un partenariat exemplaire entre l’industrie et le gouvernement. On voudrait en arriver à une entente similaire avec Téléfilm Canada.
Quels sont les combats de l’APFC en 2020?
On continue de surveiller et d’alimenter le processus de modernisation de la loi sur la radiodiffusion. Avec la récente parution du rapport Yale et ses 97 recommandations (pour lequel nous avons d’ailleurs été consultés), l’une des choses que nous avions demandées, c’était que l’objectif de refléter la situation, les réalisations et les aspirations des communautés de langue officielle en situation minoritaire soit clairement assigné au système de radiodiffusion dans son ensemble et que soit également reconnue dans la Loi la contribution des producteurs indépendants issus de ces communautés. La recommandation no 53 du rapport tient compte de notre demande.
Le ministre Guilbeault s’est engagé à déposer un projet de loi d’ici la fin de la session parlementaire. À cet égard, nous lui partagerons les propositions avancées dans notre mémoire. On souhaite aussi voir un accroissement du soutien de Téléfilm Canada à la production de longs métrages francophones en milieu minoritaire; assister à un rattrapage historique, plus représentatif de notre poids démographique. L’été dernier, l’APFC a lancé un programme de stages intensifs appelé Élan qui, entre autres, permettra à neuf scénaristes de la francophonie canadienne de développer leurs scénarios de long métrage de fiction. C’est dans le but ultime de voir ces projets à l’écran. Un engagement chiffré de la part de Téléfilm est crucial pour y parvenir.
Et pour les nouvelles plateformes comme Netflix, ami ou ennemi?
Ça reste à voir. Certains de nos membres ont vendu des séries à Netflix. Mais ce qui tarde, ce sont des commandes de productions originales de la part de Netflix.