C’est la fin de l’été et l’air chaud est enveloppant. Ce soir, les enfants ont une permission spéciale. Rassemblés chez tante Vivianne, ils vont et viennent et profitent de cette liberté pendant que leurs mères s’affairent en cuisine. Grand-maman est là naturellement, avec son sourire coutumier. La porte-moustiquaire claque et à chaque incursion, les petits gourmands ne peuvent s’empêcher de jeter un coup d’œil du côté des chaudrons.
Ça sent bon les tomates et les épices qui mijotent. On anticipe le goût des tartines qui craquent sous la dent avec leur couche généreuse de ketchup encore tiède. En plus, la nuit tombe! Quelle aventure pour les jeunes qui sans le savoir sont en train de se fabriquer de magnifiques souvenirs de jeunesse et qui plus est, en français.
Il fait bon vivre ici
Et c’est ainsi que cela se passe dans plusieurs foyers canadiens en milieu rural et c’est ainsi que cela se passait il y a 50 ans. Le quotidien y est façonné par les récoltes et la préparation des grands événements. Après les tomates ce sera les pommes, et à travers cela les cornichons, puis arrivera le temps de se mettre à cuisiner pour le temps des Fêtes. Ce sont surtout les femmes qui prennent cet aspect de la maisonnée en main. Et bien que les instruments aient changé drastiquement au fil des générations, ce sont les mêmes traditions qui se perpétuent.
Et comme nous sommes dans l’Est ontarien, ces moments privilégiés se gravent en français dans la mémoire des enfants. C’est une région majoritairement rurale où près de la moitié de la population s’exprime en français – 59 % de la population de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell est de langue maternelle française. Il s’agit en fait du plus grand bassin de francophones en Ontario.
Dans cette région que nous limiterons aux Comtés unis de Prescott et Russell ainsi qu’au comté de Stormont, les agriculteurs, même s’ils ne sont pas si nombreux, occupent la grande majeure partie du territoire. Le paysage est fait de fermes, de silos et de champs à perte de vue. C’est là aussi que l’on retrouve le plus haut pourcentage de travailleurs agricoles francophones de la province soit 57,3 %.
Ailleurs en Ontario
Le deuxième contingent d’agriculteurs et de francophones en importance de la province se trouve dans le Nord-Est de la province : la région économique compte 21 % de personnes de langue maternelle française, avec des grappes de francophones dans le Grand Sudbury et les régions de Cochrane, du Nipissing et du Timiskaming. C’est là que 18,2 % des travailleurs agricoles de langue française de l’Ontario sont installés.
Pour bien connaître certaines familles de souches, on peut sans contredit affirmer que ces agriculteurs francophones éprouvent beaucoup de fierté à faire connaître leur culture. En nombre, ils n’étaient que 630 en 2011, mais combien soucieux de léguer leur patrimoine.
Dans le Sud et dans l’Ouest, leur pourcentage est peu élevé : respectivement 1,3 % et 0,8 %, mais ce sont les régions où la densité d’agriculteurs est la plus élevée. Malgré leur faible pourcentage, leur nombre n’est pas négligeable, soit 510 et 245.
Une tradition agricole
Dans l’Est ontarien comme ailleurs, la communauté agricole a ce trait particulier de perpétuer les traditions. Année après année, les mêmes étapes, du semis à la moisson sans compter les tâches quotidiennes pour le train des animaux, sont répétées. Elle se met au diapason de la météo, de père en fils – et en filles de plus en plus. Là aussi, les progrès technologiques, incluant l’agriculture de précision, ont révolutionné la façon de faire et le temps d’exécution. On va beaucoup plus vite, mais on possède beaucoup plus de terres et beaucoup plus d’animaux pour la plupart.
Mais aussi différentes soient ces époques en apparence, la routine reste la même. Les soucis de mai s’il pleut sans cesse inquiètent autant grand-père que son petit-fils qui pestera l’hiver prochain si le couvert de neige n’est pas suffisant pour protéger les cultures. Au fond, tout est pareil.
Le projet « Découvrez les trésors de la ruralité des quatre coins du Canada » a été rendu possible grâce à l’appui financier du fonds Expression de Financement agricole Canada. Tous les articles ont été produits conformément à la Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire au Canada.