le Vendredi 31 mars 2023
le Mercredi 6 juin 2018 20:00 Actualité

Immersion : L’enseignement peut-il sauver le français?

La première diffusion du Choix de Théo remonte au Cinema on the Bayou Film Festival fin janvier 2018, où le documentaire a remporté le Prix du public.
La première diffusion du Choix de Théo remonte au Cinema on the Bayou Film Festival fin janvier 2018, où le documentaire a remporté le Prix du public.
Le choix de Théo, documentaire coproduit par le professeur Thomas Cauvin et réalisé par Mi KL Espinasse, met en lumière le renouveau du français en Louisiane grâce au succès de l’immersion. Suite à sa diffusion au Canada et aux États-Unis, les conversations s’animent et la communauté échange afin d’assurer un bel avenir à la langue française en Amérique du Nord.
Immersion : L’enseignement peut-il sauver le français?
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Théo, c’est ce Louisianais qui a décidé à l’âge de 14 ans d’apprendre le français. Après des études et plusieurs séjours linguistiques en France et au Canada, il est devenu lui-même professeur en immersion. « Théo est symbolique, car il résume bien le combat de ces jeunes en Louisiane qui veulent préserver la langue », indique Thomas Cauvin, professeur d’histoire à l’Université d’État du Colorado, anciennement à l’Université de Louisiane à Lafayette.

Le film de 51 minutes se penche sur le phénomène de l’immersion française en Louisiane qui depuis quelques décennies redonne des couleurs au fait français dans la région. Pour Thomas Cauvin et Mi KL Espinasse, réalisateur et ancien enseignant en immersion française en Louisiane, l’objectif était de « montrer l’envers du décor ».

En se basant sur les témoignages de nombreux acteurs du secteur francophone, tels que des enseignants, des élèves d’immersion, des hommes et femmes politiques, des historiens, d’anciens présidents du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) et des sénateurs, les deux passionnés ont voulu mettre en avant « tous ces acteurs anonymes comme Théo » qui permettent au français de briller.

S’appuyer sur l’histoire

Si la Louisiane s’en sort aussi bien, c’est aussi grâce à sa riche histoire francophone. C’est par l’activisme de ses défenseurs que l’état a su renouer avec ses racines francophones multiples. « Les Cajuns (ou Cadiens) ont fait un travail important, souligne le professeur d’histoire. Le sud-ouest de la Louisiane est devenu un pays acadien dès le milieu du 18e siècle. Il y a eu aussi beaucoup de Créoles et de Caribéens francophones, et des Français sont arrivés au 17e siècle. Même certaines tribus autochtones parlent français. Il y a une grande pluralité ».

La Louisiane est l’une des rares régions en Amérique où le français est une langue d’héritage. « Ça fait partie de la culture locale, il y a une histoire familiale, on trouve souvent des grands-parents qui parlent encore français. Et on peut relier la langue à la musique, à la nourriture et à l’histoire », observe Thomas Cauvin.

Théo reprend donc le flambeau. En tant que l’un des seuls Louisianais à enseigner dans les programmes d’immersion de sa région natale, il est emblématique de ce renouveau et milite pour donner plus de poids à ses compatriotes dans l’enseignement en français.

La francophonie internationale à la rescousse

Mais, malgré les efforts de certains habitants comme Théo, la Louisiane a dû se tourner vers l’extérieur pour pallier le manque de ressources. Le film dévoile la réalité du terrain dans cet état du sud des États-Unis « où les Louisianais francophones ont réussi à sauver le français grâce aux communautés internationales », d’après le professeur et producteur.

En effet, les programmes d’immersion locaux n’ont eu de choix que de recruter à l’international et ainsi « la plupart des professeurs d’immersion ne sont pas Américains, mais Africains, Français, Belges ou Canadiens. »

C’est grâce à cette ouverture de la Louisiane à la francophonie internationale que le français a pu se stabiliser dans la région. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit aussi de préserver l’héritage ancestral des Cajuns, Créoles et Français.

Partager pour faire avancer

En étant diffusé dans plus de 40 salles aux États-Unis et au Canada, le documentaire suscite l’intérêt et engage le débat. « Au Canada, on voit souvent des comparaisons entre la Louisiane et les provinces canadiennes, alors qu’aux États-Unis on pose plutôt des questions sur le système éducatif et les moyens alloués », rapporte Thomas Cauvin.

Dans le cadre de sa tournée au Canada, les Alliances françaises d’Ottawa, Winnipeg, Victoria, Calgary et Vancouver ont projeté le film. Côté États-Unis, il a été diffusé dans les Alliances de La Nouvelle-Orléans, Lafayette, Denver et Worcester, ainsi que dans des chambres de commerce et des écoles françaises en Nouvelle-Angleterre, et chez plusieurs associations de professeurs de français et de parents d’élèves.

En comparant la francophonie louisianaise à la francophonie canadienne, « on arrive à mieux cerner les enjeux, les défis et les solutions ». Pour le producteur, le film permet ainsi de « relier les communautés francophones d’Amérique du Nord qui sont souvent isolées », tout en faisant la promotion de l’immersion. « On espère contribuer à la création d’un réseau d’échange », complète le passionné.

Le documentaire est mis gratuitement à la disposition des écoles, conseils scolaires, bibliothèques, et autres associations intéressées.

Pour visiter la page Facebook : https://www.facebook.com/choixdetheo/?ref=br_rs

Pour visionner la bande-annonce : https://youtu.be/Gtr-Iv7tm-E

ENCADRÉ

Le renouveau du français en Louisiane prend racine dans les années 1960

Les années 1960 marquent l’essor politique et académique du français en Louisiane, culminant avec la création du Conseil pour le développement du français (CODOFIL) en 1968. Prenant appui sur l’histoire et la culture francophones bien présentes, les défenseurs de la francophonie ont pu créer en 1981 la toute première classe d’immersion de l’état à Bâton-Rouge. Avant ça, les possibilités étaient très limitées, sinon impossibles avec l’interdiction de parler français à l’école de 1921 jusqu’aux années 1960. Aujourd’hui, on dénombre 5000 élèves en immersion française et la fréquentation augmente chaque année.