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le Dimanche 10 décembre 2017 19:00 | mis à jour le 18 août 2022 11:41 Actualité

Le projet de loi visant à promouvoir la diversité dans les conseils d’administration et dans la haute direction manque de mordant

Le sénateur Paul J. Massicotte représente le Québec
Le sénateur Paul J. Massicotte représente le Québec
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Le projet de loi visant à promouvoir la diversité dans les conseils d’administration et dans la haute direction manque de mordant
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Malgré la perception du reste du monde que le Canada est un chef de file en matière de droits des femmes et de multiculturalisme, les postes de direction au pays demeurent largement occupés par des hommes blancs.  

Même si le gouvernement a été élu avec un mandat fort relativement au féminisme et à la diversité, il lui a fallu près d’un an avant de déposer un projet de loi pour corriger ces lacunes.

La solution proposée, le projet de loi C-25, actuellement étudié par le Sénat, n’a cependant pas la vigueur nécessaire pour s’attaquer au problème.  

La réglementation proposée comprend une approche de type « se conformer ou s’expliquer », dans le cadre de laquelle on demande aux sociétés cotées en bourse et enregistrées auprès du gouvernement fédéral de divulguer à leurs actionnaires leurs données et leurs politiques en matière de diversité. Le mot clé dans cette phrase est « demande ». Si elles choisissent de ne pas le faire, elles doivent seulement expliquer pourquoi.  

L’autoréglementation optionnelle ne fonctionne pas.  

En effet, cette approche s’applique déjà aux sociétés cotées à la Bourse de Toronto (TSX), et a évidemment eu très peu de répercussions. 

Trois ans après l’adoption de l’approche « se conformer ou s’expliquer » par la TSX, la part des femmes dans les conseils d’administration est seulement passée de 11 % à 14,5 %. En ce qui concerne les femmes qui occupent des postes de cadre supérieur, leur pourcentage stagne à 15 % depuis 2015. Si le but est vraiment l’équilibre entre les sexes, cette approche n’est pas suffisante.

La diversité non fondée sur les sexes est pour sa part sur le déclin. Selon le Conseil canadien pour la diversité administrative, entre 2015 et 2016, le taux de postes de directeurs détenus par des minorités visibles au classement du Financial Post 500 est passé de 7,3 % à 4,5 %, alors que le taux est passé de 1,3 % à 0,6 % chez les Autochtones.

Si le Canada veut faire de réels progrès au cours de la prochaine décennie, l’adoption de mesures sur la diversité doit être obligatoire, et non optionnelle, et des pénalités doivent être imposées aux sociétés qui ne les respectent pas. De plus, ces politiques devront tracer clairement la voie à suivre et contenir des objectifs détaillés.  

Même si l’imposition de quotas est souvent critiquée, elle a permis d’obtenir des résultats probants dans plusieurs pays européens. Au Canada, les sociétés devraient au moins être tenues d’établir des cibles sous forme de pourcentage concernant les femmes et les autres minorités siégeant à leurs conseils d’administration et occupant des postes de haute direction.

De plus, une approche plus inclusive est un atout. Puisque les femmes représentent 60 % des diplômés universitaires, le bassin de candidates qualifiées continuera de croître. D’autres formes de mesures pour encourager la diversité présentent aussi des avantages en matière de rendement.  

Toutefois, même si la question de la diversité non fondée sur les sexes est plus complexe, il est tout à fait éthique et faisable de réaliser des progrès à cet égard.

Les sociétés doivent être obligées de se donner des cibles pour les trois principales catégories de diversité non fondée sur les sexes dans la société canadienne : les minorités visibles, les personnes handicapées et les Autochtones. Elles pourraient aussi se fixer des cibles pour d’autres types de diversité selon leur marché et leur communauté.  

Les gouvernements ne parviendront pas à eux seuls à corriger les lacunes du monde des affaires.

Un changement de culture plus approfondi sera nécessaire.

Par exemple, le mentorat est essentiel pour encourager la prochaine génération de femmes et de minorités visibles à occuper des postes de cadres. Les régimes de travail souples et, bien sûr, un partage plus équitable des tâches ménagères sont aussi essentiels pour empêcher les femmes de sacrifier leurs carrières de cadres.

On ne peut pas nier que les « qualités de leadership » sont encore souvent définies par des hommes blancs et en fonction d’hommes blancs. Il semble évident que pour forcer les entreprises à sortir de leur zone de confort et à élargir leurs recherches de talents, le gouvernement devra prendre des mesures un peu plus drastiques.

Le sénateur Paul J. Massicotte représente le Québec.