« Il faut garder en tête la possibilité que ce projet omnibus devienne une plateforme électorale si le gouvernement le laisse trainer ou s’il déclenche des élections anticipées. »
L’annexe 43 du projet omnibus, déposé le 14 novembre à Queen’s Park, précise que l’Université de l’Ontario français offrira « une gamme de grades universitaires et de programmes d’études ». Une enveloppe de 20 millions $ sera consacrée à l’étape de mise sur pied de l’établissement à Toronto, sur un budget anticipé de 83,5 millions sur la prochaine décennie.
Le post-doctorant de l’Université d’Ottawa remarque que les projets de loi sur l’université francophone, la gouvernance du Centre Jules-Léger (pour les enfants ne pouvant être intégrés à l’école) et le bilinguisme de la Ville d’Ottawa sont largement passés inaperçus.
Une façon de piéger l’opposition
« Je n’ai presque rien vu dans les médias anglophones, signale Martin Normand. L’impression au gouvernement, c’est peut-être que le dépôt de projets de loi individuels pour chacun des engagements aurait pu froisser la majorité anglophone et déclencher des réactions plus virulentes. »
Selon lui, la stratégie libérale serait une façon de piéger l’opposition. Il semble acquis que les néo-démocrates et les conservateurs trouveront dans le projet omnibus des raisons de s’opposer.
« Les libéraux pourraient donc aller en campagne, conclut-il, en disant que l’opposition a voté contre les trois projets de loi. La prochaine élection pourrait s’annoncer serrée et dans ce contexte, le vote francophone pourrait jouer dans plusieurs circonscriptions. »
L’historien Joël Belliveau de l’Université Laurentienne (Sudbury) estime que la Province fait le minimum nécessaire pour faire avancer le dossier. « Assez pour éviter les foudres des associations francophones, mais trop peu pour choquer les opposants potentiels. Ceci dit, petit train peut parfois aller loin. »
Il note que le projet jette les bases essentielles : « une entité légale, une institution francophone qui cherchera à croitre et qui sera dédiée complètement au postsecondaire de langue française. Généralement parlant, la création de cette nouvelle institution est vue comme une bonne chose. Pour moi, il n’y a que du bon qui peut en sortir. »
Ce n’est pas la panique
Selon Joël Belliveau, la nouvelle université pourrait collaborer avec les établissements bilingues pour élargir l’offre éducative ou concurrencer avec eux et les pousser ainsi à bonifier leurs programmes. Il reconnait que la nouvelle institution pourrait voler quelques étudiants de Sudbury et d’Ottawa.
« Ce n’est pas la panique. On réussira peut-être à attirer moins d’étudiants du Sud de l’Ontario, mais on n’imagine pas les jeunes du Nord se diriger en masse vers Toronto pour faire un bac. »
Le rêve d’un réseau universitaire de langue française pour tout l’Ontario vit encore, soutient le professeur. « La province a-t-elle renoncé à l’imposition d’un tel réseau ou espère-t-elle qu’il émerge organiquement? Plusieurs francophones qui s’intéressent à la question – incluant des universitaires – regrettent même que la Province n’ait donné qu’un mandat régional à la nouvelle université. »
Le projet de loi précise, à l’article 8, que l’institution « peut s’affilier à d’autres universités, collèges, établissements de recherche et établissements d’enseignement ou se fédérer ou conclure des contrats avec eux ».
On ignore quel serait le pouvoir d’attraction de cet établissement à l’extérieur de l’Ontario.
Rappelons que le projet de l’administration néo-démocrate au Manitoba a été repris par le nouveau gouvernement conservateur en 2016 et adopté par la Législature.