Depuis la fin août, au-delà de 4500 personnes ont été évacuées de quatre Premières Nations au nord du lac Winnipeg en raison de dangereux incendies, dont un de 28 000 hectares qui brûlait à moins d’un kilomètre de la Première Nation de Garden Hill.
Les évacués ont été abrités au RBC Convention Centre, au complexe du Winnipeg Soccer Federation North, et dans des hôtels à Winnipeg et Brandon.
Alors que les évacués commençaient lentement à réintégrer leurs communautés, le Chef de Garden Hill, Dino Flett, a réclamé le 7 septembre que la Province déclare un état d’urgence dans la région, afin de débloquer des fonds pour venir en aide aux évacués, et pour la remise en état de la communauté. Le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, a insisté qu’il s’agissait de terres détenues par la Couronne et donc qu’il était du ressort du gouvernement fédéral de déclarer l’état d’urgence à Garden Hill.
Outragés, quelque 600 évacués, menés par le gouvernement de la Première Nation de Garden Hill, ont manifesté sur un trajet de plus de 8 kilomètres, du Winnipeg Soccer Federation North, sur la Leila, jusqu’au Palais législatif du Manitoba, le 7 septembre. C’est là que La Liberté s’est entretenue avec cinq femmes de Garden Hill et Saint-Theresa Point, qui ont parlé de la vie à Island Lake et de leurs rôles de piliers dans leurs communautés respectives.
Jacqueline Wood
Jacqueline Wood a été évacuée de Saint-Theresa Point le 1er septembre. La grand-mère a en premier passé deux nuits chez le fils de son mari à Portage la Prairie, pour se retrouver ensuite au Canad Inns de Garden City.
« J’ai vécu à Saint-Theresa Point toute ma vie. J’ai vécu une bonne vie. J’y ai vécu toute ma vie sauf lorsque j’étais aux pensionnats autochtones. Mais là encore, c’était dans le Nord, à Norway House.
« Je n’échangerais pas ma place pour celle de qui que ce soit à Winnipeg. Je crois que l’on se sent tous comme ça autour de Island Lake. Notre communauté est parfaite. Nous n’avons pas de routes toutes saisons, juste une route de glace en hiver. C’est un lieu magnifique.
« Vous savez, ça fait très peur de voir un incendie aussi près de sa communauté. Quand on a été évacués, il était difficile de respirer à cause de la fumée, et on pouvait voir les flammes.
Quand les évacuations ont commencé, trois de ses petits enfants ont été évacués en priorité avec leurs parents, en raison de leur très jeune âge. Jacqueline Wood est restée deux jours supplémentaires avec quatre autres de ses petits-enfants.
« Ce feu, je ne crois pas qu’il nuira au cœur de gens comme nous. La forêt repoussera. D’une certaine manière, je crois que l’on a été protégé par le Créateur. »
Si Jacqueline Wood est sereine face à l’incendie, elle l’est moins face au gouvernement. Elle juge le traitement des évacués, et le refus de déclarer l’état d’urgence totalement inadéquat.
« Est-ce que les Premières Nations de ce grand pays sont un fardeau financier pour le gouvernement du Canada ? On entend parler des réfugiés des guerres, mais nous, on n’en parle même pas… »
Kimberly Little
Kimberly Little a été évacuée de Garden Hill le 30 août, c’est la femme d’un conseiller de bande. Elle raconte ce qu’elle a laissé derrière elle dans la réserve.
« On a laissé tout, sauf quelques vêtements. Les tours en bateau, les voyages de pêche, et nos nourritures traditionnelles nous manquent. Chez nous, je pêche tous les jours, tout le temps pour moi et ma famille. Le doré, le poisson-chat, la truite, il y a beaucoup de poissons dans mon lac.
« On mange aussi du canard, du castor, du lapin, et bien sûr de la viande d’orignal. La saison de chasse des originaux approche. Ici on mange que du fast food. Je suis tellement tannée du fast food, ce n’est pas bon pour notre santé. »
Deborah Flett
Deborah Flett a été évacuée de Garden Hill le 31 août. Elle travaille dans le domaine de la santé.
« Rose, Susan et moi aidons à effectuer l’évacuation depuis le premier jour de l’incendie. La plupart des gens n’ont pas été traités correctement. Pas de chambres d’hôtel, de longues files tout simplement pour la nourriture, et pour avoir un toit au-dessus de la tête.
« En temps normaux, on est environ 5 000 personnes dans la communauté. La plupart de ma famille habite dans la réserve. Certains partent pour leur scolarité. Mon fils, par exemple, habite à Brandon. Il n’est jamais revenu à la réserve. Il a fait ses études et veut rester là-bas. Je crois qu’en tant que mère, je préfère qu’il reste à Brandon. La drogue commence à rentrer dans notre communauté, c’est tout nouveau.
« Sinon, c’est une communauté solide, tout le monde s’aide en période de crise. »
Rose Barkman
Rose Barkman a été évacuée de Garden Hill le 31 août. Elle travaille elle aussi dans le domaine de la santé, et décrie les mauvaises installations des centres pour évacués.
« Nous restions au RBC Convention Centre, sur les petits lits pliables. Ma fille et son enfant aussi. Comme il n’y avait pas la place pour le bébé de six mois sur le lit pliable, elle le mettait sur une mince couverture sur le sol très dur. En raison de la condition médicale de ma fille, elle a enfin pu s’installer dans une chambre d’hôtel.
« Chez nous, je pêche le doré et la truite pour la famille. Mes voyages de pêche me manquent. Je veux tout simplement que notre vie redevienne normale. »
Susan Harper
Susan Harper a été évacuée de Garden Hill le 31 août. Elle travaille dans le domaine de la santé mentale.
« Deborah, Susan et moi sommes toutes diabétiques. Lorsqu’on aidait les évacuations, on commençait le travail à 6 heures du matin, parce qu’il fallait amener les gens en bateau à l’aéroport. Quand est venu notre tour d’évacuer, on était toutes en train de trembler à l’aéroport, parce qu’on n’avait rien mangé.
« Je suis asthmatique aussi, mais je ne pensais pas être une priorité. Je continuais à aider les gens, c’était ça, ma priorité. »