Les conclusions de la 2e phase de l’étude scientifique sur les pôles culturels de la francophonie canadienne commanditée par la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) ont été dévoilées le 26 juin à Saint-Boniface (Manitoba) dans le cadre des festivités du 40e anniversaire de l’organisme pancanadien.
Une première phase de nature quantitative
Vingt communautés pancanadiennes francophones en situation minoritaire ont fait l’objet de la première phase de l’étude codirigée par les chercheurs Julie Boissonneault et Simon Laflamme de l’Université Laurentienne. Leur objectif? Chercher à cerner et à mieux comprendre les variables qui affectent la vitalité culturelle et et artistique d’une communauté ainsi que leur interaction.
Après avoir dressé des bilans sociodémographique, sociolinguistique et socioéconomique des régions à l’étude, les chercheurs ont mené un travail de terrain dont le but était de s’enquérir de la perception générale du dynamisme des communautés auprès des artistes professionnels, des travailleurs du milieu artistique, des consommateurs et des non consommateurs des arts et de la culture.
Quatre catégories de facteurs qui affectent à divers degrés la vitalité culturelle et artistique avaient été établies. Ainsi, la présence d’une masse critique de francophones, celle d’écoles de langue française et d’organismes francophones culturels et artistiques ont été identifiés comme étant des facteurs nécessaires au dynamisme culturel franco-minoritaire.
La présence de médias francophones, les lieux de production et de diffusion – des facteurs baptisés « les entourages » par l’étude -, sont importants mais seulement si les les acteurs francophones sont présents pour s’en servir.
Les renforts – les programmes artistiques dans les écoles secondaires et postsecondaires, une politique culturelle locale et des programmes d’appui municipal pour les arts ainsi qu’une préoccupation artistique au conseil municipal – contribuent fortement à la vitalité culturelle sans toutefois être incontournables.
L’incidence de facteurs universels – le niveau d’instruction et le revenu – et environnementaux – la distribution des âges, la compositon des ménages – sur le dynamisme culturel des communautés avait été jugée très faible.
L’art est porté par les artistes
Le but de la deuxième phase du projet – de nature qualititative – était de « dresser des modèles précis pour permettre aux gens qui oeuvrent dans le milieu culturel et artistique de mieux comprendre la dynamique et de s’en servir comme argumentaire », comme le fait savoir Mme Boissonneault.
Grâce aux entretiens menés avec les dirigeants d’organismes à vocation culturelle, artistique et linguistique dans 12 des 20 communautés initialement ciblées, les chercheurs ont donc établi des distinctions régionales.
L’analyse comparative de Penetanguishene, Windsor, Hearst et du Grand Sudbury a permis de déduire que « lorsqu’il y a un pôle culturel en Ontario, c’est qu’il y a beaucoup d’organismes locaux ou régionaux qui s’affairent à mousser cette vitalité », selon Mme Boissonneault.
Dans l’Ouest et les territoires – les quatre communautés étudiées sont Winnipeg, Gravelbourg, Vancoucer et Whitehorse -, « c’est davantage les organismes provinciaux et interprovinciaux qui vont venir donner leur appui aux organismes locaux ou régionaux, qui donnent le boost à la vitalité », explique la chercheure.
Pour ce qui est de l’Atlantique, où les cas de Saint-Jean, de Moncton-Dieppe, de Caraquet et d’Évangéline/Summerside ont été examinés, « les organismes locaux jouent un rôle dominant mais prennent fortement appui sur les administrations provinciales et interprovinciales ».
«L’art est porté par les artistes eux-mêmes»
Si la deuxième phase de l’étude a permis de confirmer la nécessité de la réciprocité des liens entre les organismes locaux / régionaux et ceux provinciaux / interprovinciaux pour l’effervescence culturelle et artistique d’une communauté, elle a tout autant identifié le maillon faible de certaines communautés où l’animation culturelle est principalement faite par des organismes à vocation non artistique. « L’art est porté par les artistes. Plus il y a des artistes dans une communauté, plus il y a des occasions de créer et plus il y a des organismes qui viennent se souder autour de ces artistes et plus il y a de l’effervescence », tranche Mme Boissonneault.
En guise d’exemple, le projet de la Place des Arts du Grand Sudbury s’inscrit, selon la professeure, « dans la suite logique de l’effervescence culturelle locale ». « On ne peut pas dire qu’on va créer une place des arts et espérer que la vitalité s’ensuive. C’est plutôt l’inverse », dit-elle.
De nouvelles questions émergent
Il a également été remarqué une corrélation positive entre la prééminence du discours identitaire et le niveau élevé de vitalité culturelle. Toutefois, si à Sudbury, les gens s’identifient davantage à leur milieu géographique, en Acadie, par exemple, l’identité se traduit notamment par un grand attachement à la langue française,
Comment les organismes culturels et artistiques devraient-ils donc s’y prendre pour s’ouvrir davantage plus de place aux nouvelles communautés ethnoculturelles qui font partie de la francophonie canadienne, mais qui ne s’identifient pas toujours de la même façon? Il s’agit là d’une question souvent relevée par les participants à l’étude et qui, selon Mme Boissonneault, « mérite d’être étudiée en profondeur ».
Un ouvrage contenant les détails de l’étude devrait être publié l’année prochaine.