Les deux siéent au pied du quartier Rockliffe, abondamment riche en argent et en prestige.
On retrouvera la misère dans quelques bars sordides, en route vers la banlieue aux bungalows alignés comme des écoliers dociles, proprets et somnolents.
Les francophones y sont assez nombreux pour envoyer un des leurs à Ottawa et à Toronto. Même territoire, mêmes électeurs pour les deux ordres de gouvernement.
C’est canadien à plein. On y trouve même une cabane à sucre, tandis qu’un verger de pommes s’épanouit à sa frontière. Madeleine Meilleur représentait un véritable microcosme social quand elle était députée. Ottawa-Vanier, c’est presque le Canada en soi par sa mosaïque économique et socioculturelle.
Elle y a certainement acquis ce qu’il faut pour accéder au poste qu’elle a demandé et qu’on lui a proposé. Rien à redire quant à son bagage, d’autant plus qu’elle s’est montrée très sensible à la cause linguistique pendant son passage à Queen’s Park.
Mais il y a ce « MAIS » qu’elle a finalement reconnu en se retirant de la course.
Être Commissaire aux langues officielles, c’est être à la fois enquêteur, arbitre et défenseur. Le Commissaire reçoit des plaintes des citoyens, fait enquête pour voir si elles sont justifiées, dénonce les torts et négligences, les attribue aux responsables.
Être Commissaire, c’est aussi contribuer à l’édification d’un modèle de société inclusif. Enfin, c’est être au-dessus de toute joute politique au nom de cette égalité que l’on tente de réaliser.
J’aimais bien cette analogie de Dyane Adam, prédécesseur de Graham Fraser. Ces deux communautés linguistiques canadiennes forment le « tissu social » du Canada, disait-elle. La trame passe entre les fils de chaîne. Il en résulte une étoffe solide et souple, belle si tous les fils s’entrecroisent dans un parfait équilibre entre forces et tensions.
La partisanerie serait le faux mouvement d’un tisserand maladroit, qui ferait de l’œuvre une pièce distordue.
Sans prêter de mauvaises intentions à Mme Meilleur, on doit admettre qu’il y aurait toujours eu soupçon d’allégeance. Un politicien a beau annoncer son retrait de la vie politique, la politique elle-même ne le quittera pas.
La controverse qu’a soulevée cette affaire servira à quelque chose si elle conduit à un mode de nomination à la hauteur des exigences de ce poste, fondé sur la rigueur et la juste reconnaissance de la compétence… En d’autres mots, un système à l’image de cet idéal qu’est la construction d’un pays égalitaire au plan linguistique.
Le juriste acadien Michel Doucet, aussi candidat au poste, a dit qu’un député a laissé entendre que la partisanerie peut faire de l’ombre à la compétence.
Ce poste noble par sa mission et le modèle de société qu’il défend deviendrait donc une vile monnaie d’échange pour retour de faveur. Quel cynisme !
Les nominations partisanes ne manquent pas en politique. C’est même entré dans les mœurs. Ce n’est peut-être pas si grave quand on désigne quelqu’un au Bureau de la sécurité des transports ou autres agences à portée sociale limitée. Mais ici, c’est d’un pays entier dont il est question. On défend un idéal fondé sur l’égalité entre citoyens.
On veut prévenir que les minoritaires présentent un jour un gobelet à café froissé dans le vain espoir d’y entendre sonner quelques maigres écus.
Quand il s’agit d’un poste d’une telle importance, le copinage est à bannir pour toujours.